L’Europe redoute une nouvelle vague migratoire
Anticipant un exode à la suite de la prise de pouvoir par les talibans, les Européens ont entamé des consultations dans un dossier où la Turquie pourrait, une nouvelle fois, jouer un rôle déterminant
Pour les capitales occidentales, l’urgence est à l’évacuation de leurs représentants hors de Kaboul. Mais elles ont déjà identifié deux risques à moyen terme. Le premier tient à une menace qui les concerne toutes: la possible reconstitution, sur sol afghan, de groupes terroristes tels qu’Al-Qaida. Le second suscite, pour d’évidentes raisons géographiques, un degré de préoccupation bien moindre aux EtatsUnis qu’en Europe: un nouvel afflux de réfugiés.
«Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent, et nourriraient les trafics de toute nature», a déclaré lundi soir Emmanuel Macron. Si le président français assure que Paris aidera les personnes les plus exposées à des représailles - militants des droits de l’homme, artistes ou journalistes - «parce que c’est l’honneur de la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs», son inquiétude face à un mouvement de population à plus large échelle est partagée par ses homologues européens.
Le spectre de 2015
Tous voient ressurgir le spectre d’une vague migratoire similaire à celle de 2015, lorsque plus d’un million de réfugiés syriens avaient trouvé refuge sur le Vieux Continent – favorisant l’ascension de partis populistes. En pleine campagne pour les élections législatives du 26 septembre, Berlin est particulièrement concerné. Deux ans après la décision d’Angela Merkel de ne pas fermer les frontières aux migrants remontant la route des Balkans, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) faisait son entrée au Bundestag. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un parti d’extrême droite siégeait au parlement allemand.
Face à un état de fait qu’elle juge «navrant, dramatique et terrible», la chancelière a reconnu lundi: «Nous avons tous mal évalué l’évolution de la situation, et j’en assume moi-même la responsabilité.» Mardi, elle s’est dite elle aussi ouverte à l’accueil de personnes «particulièrement vulnérables», mais a insisté sur la nécessité de fixer la plupart des réfugiés dans les pays limitrophes ou de passage que sont le Pakistan, l’Iran ou la Turquie. La question doit encore trouver un consensus au niveau européen avant le lancement d’une initiative que l’Allemagne et la France appellent de leurs voeux.
Quelle que soit l’issue de ces consultations, les Européens n’auront sans doute d’autre choix que de négocier avec Ankara et Téhéran sur cette question. Or la Turquie, avec laquelle l’Union européenne a déjà conclu un accord migratoire, accueille sur son sol 3,6 millions de Syriens, et l’Iran 3,5 millions d’Afghans. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 18 millions d’Afghans (sur une population de 38 millions) ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence et 550 000 sont d’ores et déjà des déplacés internes. Le HCR indique que 20 à 30 000 civils quittent le pays chaque semaine.
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Les Européens n’auront sans doute d’autre choix que de négocier avec Ankara et Téhéran