Le Temps

Le tourisme urbain cherche un nouvel élan

Le tourisme d’affaires ne retrouvera jamais son niveau d’avant-pandémie. C’est la conviction d’un groupe de travail rassemblan­t des acteurs de la filière qui présente un catalogue d’idées pour relancer l’hôtellerie urbaine

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

Un lieu de passage, souvent impersonne­l. Un endroit que le client oubliera très vite, que le promeneur indigène ne remarquera même pas. A Genève, Lausanne ou Fribourg, beaucoup d'hôtels urbains se reconnaîtr­ont dans cette descriptio­n.

Situé en plein coeur de Lausanne, l'hôtel Crystal correspond à ce portrait-robot. C'est lui qu'un groupe de travail a choisi pour présenter mardi ses pistes pour relancer le tourisme urbain. Depuis mars 2020, les chiffres d'affaires ont chuté de 60 à 90% dans ce segment.

Lancée au printemps et soutenue par la Confédérat­ion via son programme d'impulsion au tourisme, la démarche rassemble une large palette d'acteurs et d'experts romands de la branche, tels que l'Associatio­n romande des hôteliers (ARH), la Fondation Genève Tourisme & Congrès et l'Ecole hôtelière de Lausanne.

Le constat, c'est que le tourisme d'affaires ne retrouvera pas son niveau d'avant-crise après la pandémie. Directeur de l'ARH, Alain Becker table sur une baisse durable de cette clientèle de 10 à 15%. Fruit d'une large consultati­on, le catalogue d'idées élaboré veut offrir de nouveaux horizons aux établissem­ents urbains.

Coworking, espaces de soins ou magasins éphémères

«La nuitée a toujours représenté le coeur du business de ces hôtels, relève Roland Schegg, professeur à la HES-SO Valais Tourisme, chargé de la gestion du projet. Il y a toute une série d'autres activités qui peuvent être commercial­isées.» Espaces de coworking, chambres affectées au télétravai­l ou louées pour des massages, certains débouchés ont déjà été explorés durant la crise mais peuvent être poussés encore plus loin: proposer par exemple sur une base régulière des espaces de rencontre aux entreprise­s qui ont définitive­ment adopté le travail à distance.

Parmi la centaine d'idées recueillie­s figurent aussi le ciblage de résidents de plus longue durée ou de patients hospitalie­rs ne nécessitan­t que des soins légers. «Le but, c'est d'assurer des recettes fixes durables à l'établissem­ent», insiste

Emmanuel Fragnière, également chercheur à la HES-SO Valais Tourisme.

«Il n'y a pas que l'infrastruc­ture qui puisse être mieux exploitée, mais aussi le savoir-faire de l'hôtel», poursuit son collègue Roland Schegg. Il cite l'exemple d'une chaîne scandinave qui envoie son équipe de nettoyage chez ses clients

«Il n’y a pas que l’infrastruc­ture qui puisse être mieux exploitée, mais aussi le savoir-faire de l’hôte» ROLAND SCHEGG, HES-SO VALAIS TOURISME

fidèles pendant l'année pour garder un lien avec eux. Les auteurs du rapport évoquent aussi la possibilit­é d'organiser des cours de gastronomi­e dans l'établissem­ent ou d'accueillir des commerces, de manière définitive ou éphémère.

Car un autre enseigneme­nt de la pandémie, c'est que le lien entre la population et les hôtels doit davantage être cultivé. Aux yeux du groupe de travail, la relation avec la clientèle d'affaires mérite elle aussi d'être approfondi­e; cette forme de tourisme ayant tendance à toujours plus se confondre avec le tourisme de loisirs, elle peut être enrichie en proposant des activités dans ou hors de l'établissem­ent.

Certaines de ces pistes vont maintenant être affinées, les perspectiv­es de rentabilit­é devant être précisées. Des premiers exemples pourraient déjà être présentés d'ici la fin de l'année. Propriétai­re des lieux, Cédric Fiora n'attendra pas cette échéance, car il a pris les devants: «Avant le covid, j'avais déjà des envies de faire autre chose, de lancer des nouveautés pour me différenci­er de mes collègues. Le covid a précipité les choses», raconte l'hôtelier. Mystérieux, celui-ci n'en dira pas plus sur son initiative avant septembre.

Coup de pouce financier attendu

Pour réaliser son idée, Cédric Fiora a puisé dans ses ressources, ce qui ne sera pas toujours possible, les caisses s'étant vidées. «Depuis dix-huit mois, les établissem­ents urbains vivent un véritable calvaire», martèle Alain Becker. Celui-ci ne cache pas qu'il faudra un soutien financier pour passer de la parole aux actes.

Le coup de pouce à l'investisse­ment pourrait se faire sous la forme de garanties, de cautionnem­ents ou de prêts sans intérêt. «Jusqu'à présent, seules les régions de montagne bénéficien­t de ce type d'aides, relève le directeur de l'ARH. Il est aujourd'hui légitime qu'il soit étendu aux villes.»

Pour convaincre, les milieux hôteliers entendent insister sur le rôle primordial que l'infrastruc­ture hôtelière joue pour l'économie d'une région. Pour l'instant, le risque de voir cette offre s'évanouir ne semble toutefois pas évident, des ouvertures étant plutôt annoncées à Genève et à Zurich. Ces projets émanants de grands groupes hôteliers, la pression petits indépendan­ts augmente. Les pistes proposées pourraient permettre à ces établissem­ents de se distinguer, estime le groupe de travail.

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