Le Temps

Absence de magie dans «Aya et la sorcière»

- A.DN Aya et la sorcière (Earwig and the Witch), de Goro Miyazaki (Japon, 2020), 1h22.

Goro Miyazaki n’a pas le talent de son père. Il le démontre à nouveau dans une animation en images de synthèse particuliè­rement nunuche

Aya et la sorcière! Un nouveau film de Miyazaki! Convoquez les esprits de la forêt de Mononoké, le triste fantôme de Chihiro, et l’ami Totoro sous la grande feuille qui lui sert de parapluie, et la petite Ponyo qui court sur sa falaise et Kiki qui fend l’azur sur son balai et les architectu­res oniriques du Château ambulant! Le maître suprême de l’anime est de retour, lui qu’on croyait retiré! Joie… Oh oh… du calme, Miyazaki certes, mais pas Hayao le père, hélas… C’est Goro le fils qui s’y colle. Et, certes grandi dans le giron du studio Ghibli, le gamin n’a pas hérité du quart du génie de son géniteur, comme il l’a prouvé avec Les Contes de Terremer (2006), piteuse adaptation du roman culte d’Ursula Le Guin, et, dans une moindre mesure, avec La Colline aux coquelicot­s (2011).

Gags bébêtes

Premier film en images de synthèse produit par Ghibli, Aya et la sorcière est sans doute son plus mauvais. Il puise son argument à un roman fantastiqu­e pour la jeunesse de Diana Wynne Jones creusant le sillon de

Harry Potter (et de Terremer auparavant…), soit le thème de l’apprenti sorcier.

Lancée à 100 km/h sur sa moto, une rousse flamboyant­e traquée par les sorcières dépose à l’orphelinat son bébé. La petite polissonne à couettes verticales grandit. Quand elle a 10 ans, elle est adoptée par un couple peu amène: Bella Yaga, une matrone criarde à tignasse violette, et Mandrake, un grand haricot d’apparence méphistoph­élique. Exploitée comme femme de ménage, la gamine se rebiffe, mate la mégère, amadoue le grand diable et, aidée par un petit chat noir, se profile comme une future fameuse sorcière. Voilà. C’est tout. Cette intrigue mollement linéaire et graphiquem­ent insipide s’accommode de gags bébêtes, reprend la litanie de la sorcelleri­e puérile (bave de crapaud, poil de bouc, etc.) et stagne au niveau des plus mauvais produits de Pixar (Le Voyage d’Arlo). La brièveté du film reste sa plus grande qualité.

Miyazaki Jr. devrait urgemment méditer cette réflexion de son père: «Un film trop compréhens­ible ne peut pas faire un film très intéressan­t. […] Pour faire une bonne histoire, il faut plonger dans l’inconscien­t.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland