«Rouge» comme des boues toxiques
Entre thriller écolo et drame familial, Farid Bentoumi signe un film efficace sur une jeune infirmière dénonçant les malversations d’une usine chimique
Infirmière aux urgences d’un grand hôpital, Nour est à bout. Horaires impossibles, sentiment d’impuissance, constante pression, on la découvre totalement désabusée, à bout, au bord de l’effondrement. Slimane, son père, sera son sauveur: la voilà qui est engagée dans l’usine chimique où il travaille depuis des années, et qui est la plus grande pourvoyeuse d’emplois de la région. Infirmière du travail, c’est quand même plus tranquille… En apparence du moins. Très vite, la jeune femme va en effet se rendre compte que nombre d’employés sont étrangement malades, avant de comprendre, à la suite de révélations d’une journaliste d’investigation, que l’usine a longtemps rejeté des eaux contaminées dans la nature. S’opposant à Slimane, délégué syndical apprécié de ses collègues comme de ses patrons, elle va décider de jouer la lanceuse d’alerte.
Partant de l’histoire vraie d’une usine provençale accusée de rejeter ses «boues rouges» toxiques dans la Méditerranée, Farid Bentoumi a construit une redoutable fiction qui passe habilement du thriller économico-écolo au drame familial, sur fond de complot: tout le monde sait, mais personne ne dit rien. Issu d’un milieu ouvrier, acteur avant de devenir réalisateur, il avoue qu’il y a dans Rouge une indéniable dimension autobiographique. «Les usines qui polluent, qui ferment, les ouvriers qui doivent déménager du jour au lendemain, le chômage, les troishuit, on a vécu tout ça. Mon père est parti à la retraite à cause d’un accident du travail, certains de ses amis sont morts de l’amiante», expliquet-il dans le dossier de presse de son deuxième long métrage. Qui s’avère être autrement plus convaincant que Good Luck Algeria, une oeuvre plus personnelle encore – car inspirée par la participation de son frère aux Jeux olympiques d’hiver sous la bannière de l’Algérie – mais qui hésitait trop entre comédie sociale et sportive pour au final se révéler passablement désincarnée.
Farid Bentoumi avoue qu’il y a dans «Rouge» une indéniable dimension autobiographique
A l’opposé, Rouge est traversé par une tension constante qui n’est pas sans rappeler certains thrillers politiques américains des années 1970 – et qui est par ailleurs trop rare dans le cinéma français. Bénéficiant du label virtuel Cannes 2020, qui en cette fin d’été semble quelque peu daté, il est aussi supérieur à bien des titres découverts en juillet à lors du Festival de Cannes cuvée 2021.
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