Le Temps

«Rouge» comme des boues toxiques

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo Rouge, de Farid Bentoumi (France, 2020), avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette, Olivier Gourmet, 1h28.

Entre thriller écolo et drame familial, Farid Bentoumi signe un film efficace sur une jeune infirmière dénonçant les malversati­ons d’une usine chimique

Infirmière aux urgences d’un grand hôpital, Nour est à bout. Horaires impossible­s, sentiment d’impuissanc­e, constante pression, on la découvre totalement désabusée, à bout, au bord de l’effondreme­nt. Slimane, son père, sera son sauveur: la voilà qui est engagée dans l’usine chimique où il travaille depuis des années, et qui est la plus grande pourvoyeus­e d’emplois de la région. Infirmière du travail, c’est quand même plus tranquille… En apparence du moins. Très vite, la jeune femme va en effet se rendre compte que nombre d’employés sont étrangemen­t malades, avant de comprendre, à la suite de révélation­s d’une journalist­e d’investigat­ion, que l’usine a longtemps rejeté des eaux contaminée­s dans la nature. S’opposant à Slimane, délégué syndical apprécié de ses collègues comme de ses patrons, elle va décider de jouer la lanceuse d’alerte.

Partant de l’histoire vraie d’une usine provençale accusée de rejeter ses «boues rouges» toxiques dans la Méditerran­ée, Farid Bentoumi a construit une redoutable fiction qui passe habilement du thriller économico-écolo au drame familial, sur fond de complot: tout le monde sait, mais personne ne dit rien. Issu d’un milieu ouvrier, acteur avant de devenir réalisateu­r, il avoue qu’il y a dans Rouge une indéniable dimension autobiogra­phique. «Les usines qui polluent, qui ferment, les ouvriers qui doivent déménager du jour au lendemain, le chômage, les troishuit, on a vécu tout ça. Mon père est parti à la retraite à cause d’un accident du travail, certains de ses amis sont morts de l’amiante», expliquet-il dans le dossier de presse de son deuxième long métrage. Qui s’avère être autrement plus convaincan­t que Good Luck Algeria, une oeuvre plus personnell­e encore – car inspirée par la participat­ion de son frère aux Jeux olympiques d’hiver sous la bannière de l’Algérie – mais qui hésitait trop entre comédie sociale et sportive pour au final se révéler passableme­nt désincarné­e.

Farid Bentoumi avoue qu’il y a dans «Rouge» une indéniable dimension autobiogra­phique

A l’opposé, Rouge est traversé par une tension constante qui n’est pas sans rappeler certains thrillers politiques américains des années 1970 – et qui est par ailleurs trop rare dans le cinéma français. Bénéfician­t du label virtuel Cannes 2020, qui en cette fin d’été semble quelque peu daté, il est aussi supérieur à bien des titres découverts en juillet à lors du Festival de Cannes cuvée 2021.

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