Classicisme enjoué aux Variations de Tannay
Ouverture de festival réussie lundi soir, avec le pianiste Jan Lisiecki, 26 ans, et l’Orchestre de chambre de Bâle
Un grand parc avec vue plongeante sur le lac Léman, une demeure du XVIIe siècle dans un domaine verdoyant: les Variations musicales de Tannay ont de quoi séduire le mélomane. Les concerts se déroulent sous une tente en plein air, érigée à proximité du château. Grâce aux certificats covid réclamés à l’entrée du site, le public a pu assister au concert d’ouverture sans porter de masque.
En l’absence d’Hélène Grimaud, le pianiste canado-polonais Jan Lisiecki, 26 ans, l’a remplacée. Sous l’épaisse chevelure blonde du pianiste, à l’allure encore juvénile, se cache une belle personnalité. Mais avant qu’il ne joue Mozart, les instrumentistes à cordes de l’Orchestre de chambre de Bâle sont montés sur l’estrade pour servir une pièce contemporaine du compositeur anglais Thomas Adès. Langage tout à fait accessible, habile maillage de motifs, séduisantes trouvailles de sonorités: Over the Sea – Shanty Songs for Orchestra (référence aux chants entonnés par les marins des vaisseaux marchands pour se donner du coeur à l’ouvrage) est une pièce plaisante. L’écriture se veut fine et élégante, avec des tenues aux violons sur un tapis de pizzicati. Le matériau sonore se démultiplie en plusieurs strates et plusieurs lignes enchevêtrées, avec un côté un peu «déglingué»… juste avant Mozart!
Un jeu clair et articulé
Concentré, les yeux parfois fermés, hochant la tête dans les passages plus intenses, Jan Lisiecki insuffle un bel élan au 20e Concerto pour piano en ré mineur. Son jeu clair, très articulé, s’inscrit dans les canons du classicisme. Le son est rond, jamais «cogné». Il sculpte les lignes avec bon goût. D’abord un peu «propre», il se laisse aller à davantage de fougue, notamment dans le développement du premier mouvement aux octaves marquées à la main gauche. La cadence, signée Beethoven, permet d’admirer un jeu très structuré et nuancé dans les gradations dynamiques. Jan Lisiecki s’adapte à l’acoustique sèche sous la tente. Il ne cède pas à la tentation de jouer avec davantage de pédale pour flatter son jeu. Tout est très dessiné et ciselé. Il aborde la Romance centrale à un tempo allant; l’épisode central brille par ses foucades orageuses. Le Rondo final emballe par son élan, réparties serrées et contrastes saillants avec l’orchestre. Acclamé, le jeune pianiste a joué la célèbre Marche turque de Mozart en bis, avec ce même souci de clarté et de faire avancer le discours. On aurait aimé un peu plus d’ampleur orchestrale dans les dernières pages.
Haydn par l’orchestre bâlois
En seconde partie, l’Orchestre de chambre de Bâle a choisi la 103e Symphonie dite Roulement de timbales de Haydn. Cors naturels, timbales en peau, absence de vibrato romantique aux cordes: c’est une lecture historiquement informée sous la conduite du violoniste Baptiste Lopez. En dépit de quelques raideurs et de micro-décalages aux cordes, cette interprétation roborative met en relief le caractère bucolique et les accents champêtres de la partition. On n’a pas échappé à quelques nuisances sonores… mais c’est aussi le charme du plein air!
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