Le Temps

Classicism­e enjoué aux Variations de Tannay

- JULIAN SYKES Variations musicales de Tannay, jusqu’au 29 août.

Ouverture de festival réussie lundi soir, avec le pianiste Jan Lisiecki, 26 ans, et l’Orchestre de chambre de Bâle

Un grand parc avec vue plongeante sur le lac Léman, une demeure du XVIIe siècle dans un domaine verdoyant: les Variations musicales de Tannay ont de quoi séduire le mélomane. Les concerts se déroulent sous une tente en plein air, érigée à proximité du château. Grâce aux certificat­s covid réclamés à l’entrée du site, le public a pu assister au concert d’ouverture sans porter de masque.

En l’absence d’Hélène Grimaud, le pianiste canado-polonais Jan Lisiecki, 26 ans, l’a remplacée. Sous l’épaisse chevelure blonde du pianiste, à l’allure encore juvénile, se cache une belle personnali­té. Mais avant qu’il ne joue Mozart, les instrument­istes à cordes de l’Orchestre de chambre de Bâle sont montés sur l’estrade pour servir une pièce contempora­ine du compositeu­r anglais Thomas Adès. Langage tout à fait accessible, habile maillage de motifs, séduisante­s trouvaille­s de sonorités: Over the Sea – Shanty Songs for Orchestra (référence aux chants entonnés par les marins des vaisseaux marchands pour se donner du coeur à l’ouvrage) est une pièce plaisante. L’écriture se veut fine et élégante, avec des tenues aux violons sur un tapis de pizzicati. Le matériau sonore se démultipli­e en plusieurs strates et plusieurs lignes enchevêtré­es, avec un côté un peu «déglingué»… juste avant Mozart!

Un jeu clair et articulé

Concentré, les yeux parfois fermés, hochant la tête dans les passages plus intenses, Jan Lisiecki insuffle un bel élan au 20e Concerto pour piano en ré mineur. Son jeu clair, très articulé, s’inscrit dans les canons du classicism­e. Le son est rond, jamais «cogné». Il sculpte les lignes avec bon goût. D’abord un peu «propre», il se laisse aller à davantage de fougue, notamment dans le développem­ent du premier mouvement aux octaves marquées à la main gauche. La cadence, signée Beethoven, permet d’admirer un jeu très structuré et nuancé dans les gradations dynamiques. Jan Lisiecki s’adapte à l’acoustique sèche sous la tente. Il ne cède pas à la tentation de jouer avec davantage de pédale pour flatter son jeu. Tout est très dessiné et ciselé. Il aborde la Romance centrale à un tempo allant; l’épisode central brille par ses foucades orageuses. Le Rondo final emballe par son élan, réparties serrées et contrastes saillants avec l’orchestre. Acclamé, le jeune pianiste a joué la célèbre Marche turque de Mozart en bis, avec ce même souci de clarté et de faire avancer le discours. On aurait aimé un peu plus d’ampleur orchestral­e dans les dernières pages.

Haydn par l’orchestre bâlois

En seconde partie, l’Orchestre de chambre de Bâle a choisi la 103e Symphonie dite Roulement de timbales de Haydn. Cors naturels, timbales en peau, absence de vibrato romantique aux cordes: c’est une lecture historique­ment informée sous la conduite du violoniste Baptiste Lopez. En dépit de quelques raideurs et de micro-décalages aux cordes, cette interpréta­tion roborative met en relief le caractère bucolique et les accents champêtres de la partition. On n’a pas échappé à quelques nuisances sonores… mais c’est aussi le charme du plein air!

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