L’inflation américaine ralentit, mais pourrait rester longtemps élevée
L’indice des prix à la consommation a décéléré aux Etats-Unis tout en restant au niveau historiquement haut de 5,3%. Les hausses des salaires, notamment, risquent de faire durer cette inflation élevée
C’était le chiffre attendu de ce début de semaine. L’inflation, ou plus exactement l’indice des prix à la consommation qui représente le panier des ménages américains, risquait de détromper l’optimisme de la Réserve fédérale (Fed). Une nouvelle accélération du renchérissement aurait pu mettre en doute son scénario d’une inflation certes forte, mais transitoire car liée à des facteurs spécifiques et temporaires comme la hausse des prix de l’énergie ou des goulets d’étranglement dans les chaînes de production.
Surtout, une nouvelle accélération aurait pu la pousser à prendre des mesures plus restrictives pour freiner cette inflation, prédisaient déjà certains analystes. Cette thèse avait été renforcée la semaine dernière par la publication des prix à la production, en hausse de 8,3% sur un an, un record.
Trop optimiste
La flambée ne s’est pourtant pas exacerbée sur le front des prix à la consommation. Publiée mardi, elle a même ralenti en août. Elle reste élevée et à des niveaux les plus importants en plus de 10 ans: la hausse des prix atteint 5,3% sur un an, contre 5,4% en juillet. Mais ce léger coup de frein vient soutenir la thèse des banquiers centraux. Les membres du comité de politique monétaire de la Fed partent d’ailleurs du principe que l’inflation retombera à 2,1% en 2022.
Pour l’économiste américain Adam Posen, c’est bien trop optimiste. Les prévisionnistes et les banques centrales ont à son avis raison de voir dans des pénuries et des décalages sur le marché du travail – il y a plus de postes ouverts que de personnes en recherche d’emploi – les causes de cette inflation. Mais, «l’erreur est de partir du principe que ces problèmes seront résolus rapidement, d’ici à peine quelques mois pour que les prévisions 2022 s’avèrent correctes. Au contraire, la transition économique que nous traversons prendra certainement plus de temps et il faudra un ou deux ans avant que l’inflation ne revienne à 2%.»
Pas de changement pour la Fed
Cette transition sera plus longue parce que les employés et employeurs réévaluent leurs engagements vis-à-vis de l’emploi. Le coût d’un changement de poste est perçu comme moins élevé qu’auparavant pour les premiers, tandis que les seconds réfléchissent davantage à l’automatisation de certaines tâches et au travail flexible pour retenir les collaborateurs à haute productivité, avance Adam Posen.
L’inflation a probablement atteint son pic, estiment des économistes de J. Safra Sarasin dans une note publiée mardi. Pourtant, les salaires qui augmentent et l’importante hausse des prix de l’immobilier devraient se traduire par une inflation sous-jacente plus élevée l’an prochain, expliquent-ils. Une tendance qui pourrait aussi être entretenue par la «situation spécifique dans laquelle nous nous trouvons après une crise sanitaire sans précédent [qui] pousse les entreprises à devoir augmenter leurs prix finaux», ajoute John Plassard, directeur adjoint chez Mirabaud & Cie.
Pour autant, aucun de ces experts ne considère que la Fed doit réagir en relevant par exemple son taux d’intérêt. Pour Adam Posen, l’enjeu est plutôt qu’elle devra «garder ses nerfs» face à une inflation qui ne redescendra peut-être pas aussi rapidement qu’espéré. ■