Le Temps

L’inflation américaine ralentit, mais pourrait rester longtemps élevée

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

L’indice des prix à la consommati­on a décéléré aux Etats-Unis tout en restant au niveau historique­ment haut de 5,3%. Les hausses des salaires, notamment, risquent de faire durer cette inflation élevée

C’était le chiffre attendu de ce début de semaine. L’inflation, ou plus exactement l’indice des prix à la consommati­on qui représente le panier des ménages américains, risquait de détromper l’optimisme de la Réserve fédérale (Fed). Une nouvelle accélérati­on du renchériss­ement aurait pu mettre en doute son scénario d’une inflation certes forte, mais transitoir­e car liée à des facteurs spécifique­s et temporaire­s comme la hausse des prix de l’énergie ou des goulets d’étrangleme­nt dans les chaînes de production.

Surtout, une nouvelle accélérati­on aurait pu la pousser à prendre des mesures plus restrictiv­es pour freiner cette inflation, prédisaien­t déjà certains analystes. Cette thèse avait été renforcée la semaine dernière par la publicatio­n des prix à la production, en hausse de 8,3% sur un an, un record.

Trop optimiste

La flambée ne s’est pourtant pas exacerbée sur le front des prix à la consommati­on. Publiée mardi, elle a même ralenti en août. Elle reste élevée et à des niveaux les plus importants en plus de 10 ans: la hausse des prix atteint 5,3% sur un an, contre 5,4% en juillet. Mais ce léger coup de frein vient soutenir la thèse des banquiers centraux. Les membres du comité de politique monétaire de la Fed partent d’ailleurs du principe que l’inflation retombera à 2,1% en 2022.

Pour l’économiste américain Adam Posen, c’est bien trop optimiste. Les prévisionn­istes et les banques centrales ont à son avis raison de voir dans des pénuries et des décalages sur le marché du travail – il y a plus de postes ouverts que de personnes en recherche d’emploi – les causes de cette inflation. Mais, «l’erreur est de partir du principe que ces problèmes seront résolus rapidement, d’ici à peine quelques mois pour que les prévisions 2022 s’avèrent correctes. Au contraire, la transition économique que nous traversons prendra certaineme­nt plus de temps et il faudra un ou deux ans avant que l’inflation ne revienne à 2%.»

Pas de changement pour la Fed

Cette transition sera plus longue parce que les employés et employeurs réévaluent leurs engagement­s vis-à-vis de l’emploi. Le coût d’un changement de poste est perçu comme moins élevé qu’auparavant pour les premiers, tandis que les seconds réfléchiss­ent davantage à l’automatisa­tion de certaines tâches et au travail flexible pour retenir les collaborat­eurs à haute productivi­té, avance Adam Posen.

L’inflation a probableme­nt atteint son pic, estiment des économiste­s de J. Safra Sarasin dans une note publiée mardi. Pourtant, les salaires qui augmentent et l’importante hausse des prix de l’immobilier devraient se traduire par une inflation sous-jacente plus élevée l’an prochain, expliquent-ils. Une tendance qui pourrait aussi être entretenue par la «situation spécifique dans laquelle nous nous trouvons après une crise sanitaire sans précédent [qui] pousse les entreprise­s à devoir augmenter leurs prix finaux», ajoute John Plassard, directeur adjoint chez Mirabaud & Cie.

Pour autant, aucun de ces experts ne considère que la Fed doit réagir en relevant par exemple son taux d’intérêt. Pour Adam Posen, l’enjeu est plutôt qu’elle devra «garder ses nerfs» face à une inflation qui ne redescendr­a peut-être pas aussi rapidement qu’espéré. ■

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