Le Temps

Rock’n Roll Circus

- SAMI ZAÏBI @ZaibiSami

La Chaux-de-Fonds, vendredi 10 heures.

Après une nuit confortabl­e, bercé par le bruit du velux frappé par la pluie, je me suis réveillé ce matin dans Rock’n Roll Circus, une douillette caravane de cirque rouge et noir plantée au milieu d’un pré sauvage, tandis que le chant d’un coq m’enlevait doucement des bras de Morphée. Hier soir à 20h, ce scénario idyllique relevait de l’utopie. Nous étions fatigués, trempés jusqu’à l’os et sans toit, le seul camping de La Chaux-de-Fonds ayant fermé à 19h. Mais pas question de dormir à l’hôtel, ce serait trop simple. «On dort chez l’habitant?» lancé-je malicieuse­ment à Thibault, qui acquiesce dans un sourire où cohabitent peur du vide et joie de l’inconnu…

C’est là que l’histoire devient presque surréalist­e.

Non loin de la gare et de son brouhaha, nous repérons une bande de trois jeunes barbus qui fument des cigarettes roulées, attablés sur la terrasse du fast-food libanais où nous nous apprêtons à manger. On n’a pas le temps de finir d’expliquer maladroite­ment notre situation qu’un des trois barbus – qui s’avéreront former un groupe de musique, Anda a Anda, en pause entre deux répétition­s – nous interrompt: «Pas de souci, venez chez moi, j’habite dans un grand squat tout près d’ici. Il y a plein de monde, mais vous trouverez à coup sûr un coin où dormir! Là, on doit retourner répéter, donc je vous donne l’adresse et allez-y tout seuls. La sonnette ne marche pas, ouvrez directemen­t la porte et dites que vous venez de la part de Colas.» On est aux anges. La première personne à qui l’on s’est adressé était donc la bonne! Comme quoi, celui qui ose est toujours récompensé. On passera le repas à deviser sur cette satanée zone de confort qui nous confine dans une dimension routinière, aseptisée, où ce genre de choses ne se produit jamais, alors même que la beauté du hasard, des rencontres et de l’aventure se trouve constammen­t à portée de main. Encore faut-il la tendre. Une fois nos baba ghanoush et shawarma

engloutis et un paquet de dattes acheté en guise de loyer, nous enfourchon­s nos vélos et parcourons les 3 kilomètres de ligne droite qui nous séparent de l’adresse…

On arrive devant une grande ferme.

Malgré les consignes données par Colas, on se gêne, on toque à la porte et on attend. Deux jeunes femmes, qui n’ont aucune idée de qui l’on est, passent alors la tête par la fenêtre et nous demandent: «Ça vous dit de voir un film d’horreur?» C’est ainsi qu’on rencontre Camille, Ju, Megane, David et Maxence. Ils vivent ensemble dans cette ferme, qu’ils louent pour une modique somme à la ville de «La Tchaux» depuis avril, dans un esprit de partage et d’ouverture. Ils nous montrent leur grande cuisine où s’empilent caisses de légumes bios, canettes de bière vides et dessins aux murs, puis les trois étages auxquels on accède par un escalier qui craque, et enfin leur énorme grange transformé­e en bar-dortoir. Et le fameux pré où trône Rock’n Roll Circus. Dans une ambiance conviviale, on passera la soirée à suer sur un puzzle de 1000 pièces du groupe Boney M et à regarder Scream. Les éclats de rire s’élèveront haut, très haut. Merci à Colas et aux habitants du Laboratoir­e autogéré de création (LAC)! ■

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