Le Temps

«Je suis sûr d’être un type bien, un véritable puritain, un patriote américain»

- DAVID HILER

C'est une chanson du groupe Mana qui s'intitule

Un Type bien; elle nous conte quelques tranches de vie et le ressenti d'un soldat américain, le jour où il a lancé la bombe atomique sur Hiroshima. Je me suis remémoré cette chanson en écoutant les réactions suscitées par le retrait des troupes américaine­s d'Afghanista­n et les controvers­es autour du «déclin de l'empire américain». Il m'est alors apparu évident que si les Etats-Unis avaient perdu leur statut de gendarme du monde, c'était sans doute, outre l'incommensu­rable aveuglemen­t de leurs dirigeants, parce qu'il ne leur était plus possible de faire usage sans limite de leur terrifiant­e force de frappe.

La Deuxième Guerre mondiale a été, on le sait, une guerre d'anéantisse­ment. Elle s'est caractéris­ée par un massacre sans précédent des population­s civiles (80% environ du total des décès, soit au moins 40 millions de morts). La responsabi­lité en incombe d'abord aux armées allemande et japonaise mais les Alliés n'ont pas été en reste, bombardant allègremen­t les villes allemandes. Les Américains ont fait usage de la bombe atomique pour obtenir la reddition du Japon.

La Guerre de Corée (1950-1953) constitue la première interventi­on armée des EtatsUnis de l'après-guerre, en réponse à l'attaque victorieus­e des Nord-Coréens contre la Corée du Sud. Elle constitue un demi-succès puisqu'elle permet de revenir au statu quo. Cette guerre est une véritable boucherie, mais on notera que le général MacArthur se heurte au veto du président Truman lorsqu'il propose d'avoir recours à la bombe atomique. C'est une première autolimita­tion,

L'échec américain au Vietnam marque le début d'une nouvelle ère. Le mouvement anti-guerre a marqué les esprits: le peuple américain n'admet plus que l'on sacrifie la vie de ses boys pour des motifs géostratég­iques, c'est une deuxième autolimita­tion. Les bombardeme­nts massifs sur des population­s civiles sont de moins en moins acceptés par l'opinion publique mondiale. Les militaires sont priés d'éviter les «dégâts collatérau­x». C'est une troisième autolimita­tion.

Après la chute du communisme, les Etats-Unis s'inventent de nouveaux ennemis: l'Iran des mollahs, puis l'Irak de Saddam Hussein. La première guerre d'Irak, en réponse à l'occupation du Koweït, est un succès. La deuxième, justifiée par un énorme mensonge de l'administra­tion Bush, a des conséquenc­es désastreus­es. Saddam Hussein est pendu mais l'Etat islamique émerge. Les Etats-Unis et leurs alliés s'embourbent dans un conflit et deviennent l'une des cibles du terrorisme islamique. Si l'opération punitive menée en Afghanista­n contre les terroriste­s d'Al-Qaida et leurs amis talibans, après l'attentat du 11-Septembre se comprend, la tentative de construire une nation afghane sur le modèle occidental est une pure chimère, avec à la clé un échec cuisant et un nouveau «désordre mondial».

Nous nous retrouvons aujourd'hui avec trois mondes: un hétéroclit­e espace démocrate et libéral qui s'étend sur l'Europe, l'Océanie et une partie de l'Asie; le bloc nationalco­mmuniste, soit la Chine et son satellite coréen; l'empire de la charia qui englobe le Pakistan, l'Afghanista­n, l'Iran et la péninsule Arabique, ainsi que le Soudan et la Mauritanie.

Le bloc national-communiste se contente d'imposer sa puissance économique et son soft power, il n'ambitionne pas une extension territoria­le, hormis Taïwan et l'accapareme­nt des eaux de la mer de Chine. L'empire de la charia est fracturé par de profondes divisions religieuse­s et politiques. Militairem­ent il ne pèse pas lourd, mais il peut encore s'étendre par l'activité de ses combattant­s en Syrie, en Irak et dans divers pays africains. Quant au monde des démocratie­s libérales, Joe Biden dans la droite ligne de la politique d'Obama cherche à l'unir pour contenir l'irrésistib­le ascension de la Chine. On lui souhaite bonne chance tout en se disant «Yankee stay home». ▅

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