Les méga-feux en Australie ont eu des effets sur le climat
Emissions massives de CO2, impact sur la croissance du phytoplancton: deux études montrent comment les gigantesques incendies qui ont ravagé le Sud-Est australien en 2019-2020 ont altéré l’environnement à large échelle
Ce fut une des pires catastrophes climatiques de ces dernières années: entre mi-2019 et début 2020, l’Australie a été en proie à de dévastateurs incendies. Quelque 74000 km2 de végétation – presque deux fois la superficie de la Suisse (41285 km2) – sont partis en fumée dans les Etats de Victoria et de Nouvelles-Galles du Sud, situés au sud-est de l’île-continent. Au moins 34 personnes sont décédées, tout comme des centaines de milliers d’animaux. Mais les effets de ces «méga-feux» vont encore au-delà de ce triste bilan, d’après deux nouvelles études publiées le 15 septembre dans la revue Nature.
Une de ces études, effectuée par des chercheurs néerlandais, s’est penchée sur la quantité de C02 relâchée dans l’atmosphère au cours de ces incendies. En analysant de nouvelles mesures satellitaires de haute résolution, les auteurs ont évalué que les feux avaient émis quelque 715 téragrammes (ou millions de tonnes) de CO2 entre novembre 2019 et janvier 2020. C’est 2 fois plus que les précédentes estimations. Une telle quantité dépasse de 80% la moyenne annuelle des émissions de CO2 issues des feux de forêt et de la combustion d’énergie en Australie.
Aérosols transportés sur des milliers de kilomètres
Bien que des feux se produisent régulièrement dans le bush australien, ceux de 2019-2020 ont été remarquables du fait de leur durée et de leur intensité, mais aussi parce qu’ils ont touché des forêts d’eucalyptus, notent les auteurs, qui attirent l’attention sur leur impact climatique. Exacerbés par le réchauffement, les feux de forêt renforcent eux-mêmes le changement climatique en émettant des doses massives de CO2 dans l’atmosphère. Alors qu’une partie de ces émissions est normalement compensée lorsque les arbres repoussent, les experts craignent que cela soit de moins en moins le cas à l’avenir, car les incendies vont se multiplier, ne laissant guère à la végétation le temps de se renouveler.
Plus surprenante, l’autre étude suggère que les feux australiens ont aussi occasionné un boom du phytoplancton dans l’océan austral. Des scientifiques américains s’en sont rendu compte en étudiant les données collectées par des balises flottantes Argo et par des satellites. Ils ont repéré un accroissement de la productivité du plancton entre décembre 2019 et mars 2020, dans une zone de l’océan austral située dans le sens des vents dominants venus d’Australie, à des milliers de kilomètres des zones incendiées.
Leur hypothèse est que les vents ont apporté sur place de grandes quantités d’aérosols émis lors des feux, dont certains contenaient des nutriments tels que le fer. C’est l’absorption de ce fer qui a permis aux microalgues de croître plus rapidement. Cette observation inattendue illustre bien à quel point les «méga-feux» peuvent avoir des effets à vaste échelle sur les écosystèmes. ■