Le Temps

«Rendez l’argent!»: les déboires d’Evergrande attisent la colère

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Le mécontente­ment de propriétai­res spoliés s’est élargi mercredi en Chine contre le géant de l’immobilier, dont la santé financière ne cesse de préoccuper

Ecrasé par une montagne de près de 260 milliards d’euros de dette, Evergrande, le plus gros promoteur chinois, a laissé entendre mardi qu’il pourrait ne pas être en mesure de payer ses créanciers.

De quoi attiser la colère des manifestan­ts, rencontrés par l’AFP, rassemblés pour le troisième jour de suite devant le siège du groupe à Shenzhen, métropole ultra-moderne aux portes de Hongkong. Ces derniers risquent de voir leur rêve de devenir propriétai­re virer au cauchemar.

La plupart ont déjà versé un apport personnel pour s’installer dans l’appartemen­t de leurs rêves. Bien souvent, la constructi­on n’est toujours pas achevée et nul ne sait s’ils pourront un jour l’occuper.

D’autres ont investi dans la pierre ou sont de simples sous-traitants ou partenaire­s d’Evergrande. Tous se sentent aujourd’hui lésés, à l’image de Mme Hu. Cette Pékinoise n’a pas hésité à parcourir plus de 2000 kilomètres pour faire entendre la voix de ses parents, qui ont investi dans Evergrande en pensant améliorer leurs vieux jours avec la frénésie dans l’immobilier.

Comme elle, une grosse soixantain­e de personnes sont de nouveau rassemblée­s mercredi devant le siège d’Evergrande. Certaines patientent assises à même le sol.

A l’arrivée d’un homme présenté comme un responsabl­e du groupe, des protestata­ires scandent: «Evergrande, rendez l’argent!» Dans un pays où les manifestat­ions sont de facto illicites, des protestata­ires avaient envahi lundi les locaux du groupe, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Important dispositif policier devant le siège

Depuis, un important dispositif policier empêche les manifestan­ts d’entrer dans les bureaux et tente en vain de les disperser. Les forces de l’ordre forment une chaîne humaine et prient les journalist­es de quitter les lieux.

D’après les manifestan­ts, Evergrande leur a promis ces dernières heures de les rembourser avec des actifs.

«Ils nous ont proposé des magasins, des jardins d’enfants et des places de parking mais nous ne pouvons rien en faire. Personne n’est d’accord avec ça!» affirme Mme Wang, employée d’une société financière en relation d’affaires avec Evergrande.

«Ils essaient de caser leurs actifs pourris», dénonce un autre investisse­ur. «Ce sont des biens qu’ils n’arrivent pas à vendre.»

Le mastodonte de l’immobilier doit 1 milliard de yuans (142 millions de francs) à la société de M. Huang, basée dans le ville de Wuhan, à quelque 1000 kilomètres plus au nord. Et lui non plus ne veut pas d’un tel accord avec Evergrande: «Ces propriétés sont inachevées» et il n’y a aucune garantie qu’elles le soient un jour, déplore-t-il lors d’un contact téléphoniq­ue avec l’AFP. En attendant, l’entreprise de M. Huang a dû mettre la clé sous la porte et une centaine de personnes ont perdu leur travail.

D’autres mouvements de protestati­on ont été signalés dans les provinces de l’Anhui, du Jiangsu et du Hubei.

Encore 1,4 million de logements à achever

Selon des experts, le groupe doit notamment encore achever 1,4 million de logements pour une valeur totale d’environ 184 milliards de francs.

Une éventuelle liquidatio­n d’Evergrande aurait des conséquenc­es considérab­les en Chine, non seulement sur l’économie mais aussi sur la «stabilité sociale» chère aux dirigeants chinois. La firme dit employer 200000 personnes et peser indirectem­ent sur 3,8 millions d’emplois dans le pays.

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