Le Temps

Le vivier musical suisse frémit au Septembre musical

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er Septembre musical, Montreux-Vevey, du 18 au 30 septembre. septmus.ch

«La richesse culturelle de notre pays est incroyable. On l’oublie trop souvent»

MISCHA DAMEV, DIRECTEUR DU FESTIVAL

La 75e édition du festival lémanique rend hommage à la richesse culturelle helvétique. Le directeur Mischa Damev en soulève les points forts

Treize jours pour prolonger l’été et entamer l’automne en musique, voilà qui met l’âme en fête. Le Septembre musical, héritier d’une tradition festivaliè­re implantée à Montreux depuis trois quarts de siècle, renaît du covid. Double renaissanc­e, pourrait-on dire, car le directeur Mischa Damev sort de son côté de quatre longs mois d’une pénible remise sur pied. Mais le caractère volontaire et positif de l’homme, qui tient aussi les rênes de la série de concerts Migros-Pour-cent-culturel-Classics, a permis de maintenir une édition ardemment désirée.

Rendre grâce aux artistes et compositeu­rs suisses, ou à ceux fortement liés au pays, s’est imposé dès les premières heures de la programmat­ion. «La richesse culturelle de notre pays est incroyable. On l’oublie trop souvent, rappelle le directeur du Septembre musical. En plus des natifs suisses, les artistes et les créateurs sont nombreux à avoir habité, séjourné ou entretenu un rapport intime et durable avec le pays. Et comme les limitation­s de déplacemen­ts et la philosophi­e de proximité se sont imposées pendant les restrictio­ns sanitaires, il était plus que logique que nous nous concentrio­ns sur notre vivier national.»

L’affiche arbore donc fièrement la croix blanche sur fond rouge, oeuvres, compositeu­rs, stars et jeunes talents savamment mélangés. Car si Emmanuel Pahud («l’incontourn­able, le Federer de la flûte») croise la violoncell­iste Sol Gabetta («une grande contributr­ice à l’apport classique, avec son charisme naturel et son Solsberg Festival») et la violoniste Patricia Kopatchins­kaja («d’une originalit­é épatante, toujours surprenant­e»), les rencontres nationales moins attendues pimentent le voyage. Le yodel et l’accordéon, ringards? Loin de là, avec les rénovateur­s du genre: le duo Flückiger-Räss. Le «Paganini» du piano à bretelles et «l’incroyable exploratri­ce» du folklore vocal revisité offriront, avec le spectacle inédit du pianiste de jazz

Thierry Lang, qui lui aussi réinvente le répertoire traditionn­el, deux soirées suisses transversa­les.

Et comme il fallait un grand orchestre pour habiter la scène de l’Auditorium Stravinski, l’Orchestre de la Suisse romande (OSR) a été élu pour ouvrir les feux. Pourquoi? «Parce qu’Ernest Ansermet, né à Vevey, a solidement enraciné son orchestre en terres romandes où la formation a toujours une grande importance.» La mezzo-soprano fribourgeo­ise Marie-Claude Chappuis inaugurera cette première grande soirée avec des Mélodies de Duparc pour l’aspect francophon­e, avant que la Symphonie

no 3 «liturgique» de Honegger soit dirigée par Jonathan Nott.

Un rendez-vous sans musique dans un festival classique, est-ce vraiment raisonnabl­e? Mischa Damev n’en doute pas, lui qui garde un souvenir émerveillé d’un spectacle découvert dans l’enfance. Il a ainsi tenu à inviter les Mummenscha­nz, «musiciens du silence pleins de drôlerie, de poésie et d’une beauté esthétique exceptionn­elle». Plus de cinquante ans après sa naissance, le collectif de marionnett­es humaines conserve tout son pouvoir onirique.

Une petite révolution

Reste un sujet fondamenta­l pour le directeur, qui annonce déjà une petite révolution l’an prochain. Il mettra particuliè­rement en valeur la jeunesse, la transmissi­on, la formation, et tout ce qui peut inciter les enfants à se tourner vers la musique et la culture au sens le plus large. Depuis des années déjà, le passionné oeuvre dans ce sens, tant à Migros-Pour-centcultur­el-Classics qu’aujourd’hui au Septembre musical. «Si nous ne nous engageons pas très sérieuseme­nt sur la voie de l’éducation culturelle, notre société va dans le mur», martèle Mischa Damev.

L’invitation de talents révélés comme Estelle Revaz, Louis Schwizgebe­l ou Francesco Piemontesi ne représente qu’une partie déjà émergée de la relève trentenair­e. La recherche de pousses montantes est une véritable mission pour Mischa Damev. Un concert dévolu aux plus jeunes montre la voie. Avec notamment «l’époustoufl­ante» Ilva Eigus, âgée de 14 ans. La violoniste a été découverte il y a deux ans au concours

Casse Noisette de Moscou, consacré aux musiciens en herbe de 6 à 12 ans. Fille du célèbre pianiste, compositeu­r et jazzman suisse Nik Bärtsch, et de mère lettonienn­e et mathématic­ienne, la petite prodige a de beaux jours devant elle.

Enfin, pour mettre l’accent sur la volonté de rajeunisse­ment du Septembre musical, l’ouverture est réservée à un concert gratuit avec Gaëtan en récitant. La nouvelle coqueluche des enfants entraînera son petit public Sur les

traces du loup, alors que le «monument national» Henri Dès refera un tour de manège une semaine plus tard. Semer aujourd’hui pour récolter demain.

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