Un budget en rouge pour Genève
Le Conseil d’Etat a présenté son projet de budget 2022. Il prévoit 460 millions de francs de déficit, malgré des recettes fiscales extraordinaires d’un montant équivalent. La droite annonce qu’elle le refusera
Le Conseil d’Etat a présenté hier un projet de budget 2022 assorti d’un déficit de 460 millions de francs. Pour l’exécutif, «c’est un premier pas vers le retour de la croissance». Si la gauche salue des efforts en faveur de l’écologie et le maintien des prestations à la population, la droite voit d’un très mauvais oeil l’augmentation de 1,4% des charges, les portant à 9,49 milliards de francs. L’Instruction publique se taille la part du lion dans cette croissance (+44,8 millions). La Santé obtient 29 millions supplémentaires. L’Entente a déjà annoncé qu’elle allait refuser le budget cantonal.
A Genève, covid ou pas covid, Conseil d’Etat à majorité de gauche – comme aujourd’hui – ou de droite, les projets de budget ont toujours la même couleur. Rouge vif.
L’exécutif, qui a présenté jeudi à la Commission des finances du Grand Conseil, puis à la presse, le fruit de son travail pour 2022, table sur un déficit de 460,2 millions de francs, dépassant de 135 millions le déficit admissible. «Un premier pas vers le retour de la croissance», estime néanmoins le collège, qui prévoit une réduction du déficit à 243 millions de francs au terme du plan financier quadriennal en 2025. Il faut dire que le déficit probable pour cette année est largement supérieur, à 847 millions de francs.
Recettes fiscales inattendues
La situation est ultra-précaire. Car ce déficit se serait considérablement alourdi si Genève n’avait pas enregistré des recettes fiscales inattendues de 462 millions de francs, preuve de la solidité du tissu économique cantonal par gros temps, soutenu par les secteurs de l’horlogerie, du négoce international et de la finance, et aussi par le soutien apporté aux entreprises. A ces revenus inespérés s’ajoute l’accroissement de la part aux bénéfices de la BNS (+117,3 millions de francs). La hausse des recettes prend l’ascenseur (+6,1%), et les charges augmentent, elles, de 1,4%, soit 135 millions, à 9,49 milliards de francs. C’est le point qui agite la classe politique, année après année. La droite clame que Genève vit au-dessus de ses moyens, la gauche estime que la fonction publique paie en lieu et place des riches.
Sans surprise, c’est l’Instruction publique qui se taille la part du lion dans la croissance des charges (+44,8 millions de francs), due à l’augmentation des effectifs, à la réforme du Cycle d’orientation et au déploiement du numérique. La Santé obtient 29 millions supplémentaires. A noter que l’Economie et l’Emploi glanent 11,7 millions pour la mise en oeuvre d’un «programme d’accompagnement de la reprise et de la transition», en vue d’une économie «résiliente et durable». Interrogée sur les contours concrets de ce programme, la ministre Verte Fabienne Fischer a esquissé un catalogue de «mesures, de soutiens et d’outils visant à l’innovation et à la création d’emplois» plutôt impressionniste dont on attend de comprendre la portée réelle.
«Notre canton n’a pas un problème de moyens, mais un problème de gestion des moyens»
BERTRAND REICH, PRÉSIDENT DU PLR GENEVOIS
Le gouvernement ne lésine pas sur les dépenses de personnel. Il prévoit donc 364 postes équivalents plein temps supplémentaires (+1,8%). Même s’il veut graduellement diminuer les engagements, les nouveaux postes avoisineront le millier en 2025. Ils seront affectés essentiellement aux domaines de la formation, du numérique et de la sécurité. Trois milliards supplémentaires seront investis sur dix ans, à 11,1 milliards, notamment pour les infrastructures liées à la transition écologique et numérique.
Quelles mesures d’économies Genève propose-t-il? Le verbe idoine serait plutôt espérer que proposer. En effet, le Conseil d’Etat veut se débarrasser d’une partie de la facture sociale sur les communes, à hauteur de 41,7 millions. Il compte aussi sur la modification de la répartition de la charge LPP employeur employé pour les nouveaux assurés, soit 2,5 millions en moins. Or le conditionnel s’impose, puisque cette nouvelle répartition de tâches canton-communes n’est, et de loin, pas encore gravée dans le marbre. La ministre des Finances, Nathalie Fontanet, l’admet: «Si rien de ceci ne se fait, il faudra ajouter 41,7 millions de francs au déficit 2022.»
«Des vues de l’esprit»
Autant dire que ce projet de budget fait hurler la droite. L’Entente annonce qu’elle le refusera. A force de réclamer des économies structurelles, elle a passé la deuxième, en annonçant cette semaine le lancement d’une initiative populaire interdisant au Conseil d’Etat d’engager du personnel en cas de budget déficitaire, le contraignant à faire de la réallocation interne. Déçu des «maigres propositions d’économie proposées et de leur teneur», le président du PLR, Bertrand Reich, estime que «notre canton n’a pas un problème de moyens, mais un problème de gestion des moyens.» Idem au PDC, dont la présidente, Delphine Bachmann, explique que le canton de Genève est «dans une situation de blocage, alors que le fonctionnement et le rôle de l’État doivent être repensés.» L’UDC s’indigne du nombre de nouveaux postes, et de l’estimation des recettes du Conseil d’Etat «qui sont des vues de l’esprit». L’Association des communes genevoises (ACG) s’est déclarée consternée par un transfert des charges sans les compétences.
Si le Conseil d’Etat genevois, en conférence de presse, a réfuté le terme de «budget de gauche», celle-ci ne s’y est pas trompée. Les Vert•e•s saluent des avancées notoires pour l’écologie et le maintien des prestations à la population. Le PS accueille ce projet «avec un certain soulagement», puisqu’il promet en particulier «le renforcement tant attendu de services chroniquement sous-dotés». Mais il prévient déjà qu’il combattra les efforts requis, à savoir la révision des ratios de cotisation au sein de la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (CPEG). Ensemble à gauche fustige «des mesures d’économie sur le dos de la fonction publique.»
Voilà qui promet des débats houleux et une issue incertaine à ce projet de budget. Le MCG pourrait encore jouer les arbitres. ■