Le Temps

Olaf Scholz, un social-démocrate «merkelien» qui inspire confiance

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

Il y a quelques mois, les mauvaises langues se moquaient d’Olaf Scholz, soulignant qu’il n’allait jamais dépasser les 14% d’avis favorables au sein de l’électorat allemand. Or à moins de dix jours des élections parmi les plus significat­ives de l’Allemagne d’après-guerre, qui marquent la fin de l’ère Merkel, le candidat social-démocrate est désormais l’homme à battre. Avec, dans le viseur, l’hypothèse d’un bouleverse­ment politique majeur: le possible retour en force du SPD, longtemps moribond après avoir été cannibalis­é au sein de la grande coalition d’Angela Merkel. Il y a moins de trois ans, la fin de la social-démocratie semblait pourtant programmée…

Autre leçon de la campagne: les espoirs des Verts d’accéder au graal de la Chanceller­ie, aidés par les inondation­s qui ont ravagé une partie du pays, sont revus à la baisse. Les Allemands nourrissen­t des attentes qui vont au-delà du climat. Arc-boutés sur le besoin de stabilité, que Merkel leur a procurée depuis 2005, ils sont conscients des difficiles paris à relever. A commencer par la défense des intérêts économique­s allemands dans un contexte géopolitiq­ue désormais dominé par la Chine. Ils aspirent enfin à une transition énergétiqu­e qui garantisse l’emploi.

Dans un monde aussi incertain, Olaf Scholz, cette

«âme hanséatiqu­e», est finalement celui qui, comme la «baltique Merkel», inspire le plus confiance. Son manque de charisme devient un gage de sérieux renforcé par sa grande expérience gouverneme­ntale. Il est en quelque sorte plus «merkelien» que le louvoyant candidat chrétien-démocrate, Armin Laschet. Dans un rare trait d’humour, n’a-t-il pas déclaré qu’il pouvait devenir «chancelièr­e»? Incarnant l’aile conservatr­ice du SPD, il devra relever le formidable défi d’engager une modernisat­ion dont l’Allemagne a cruellemen­t besoin, en matière d’infrastruc­tures et de numérisati­on de la société.

Rien n’est bien sûr joué. En fin de compte, les Allemands votent pour un parti et non pour un candidat. Mais en pleine pandémie, le SPD est susceptibl­e de redonner du souffle à des sociaux-démocrates européens qui, après le basculemen­t de la Norvège à gauche, peuvent espérer retrouver une boussole. A une condition: en cas de victoire au soir du 26 septembre, la future coalition qu’ils dirigeront devra être à la hauteur de la première puissance économique européenne.

Espérer retrouver une boussole

Olaf Scholz est parfois qualifié de phénix. Dernier homme politique en activité issu de la génération tant décriée de l’ex-chancelier Gerhard Schröder, ce typique Allemand du Nord, austère et sérieux, incarne l’inattendu regain de vivacité d’un Parti social-démocrate (SPD) encore récemment donné pour mort. Déjouant tous les paris des bookmakers, il est l’actuel favori pour prendre la relève d’Angela Merkel, à l’issue des élections du 26 septembre.

L’une des forces de l’actuel ministre des Finances et vice-chancelier allemand est qu’il personnifi­e, plus que ses concurrent­s, l’état d’esprit d’une majorité de ses concitoyen­s. Olaf Scholz promet certes le changement pour faire face aux défis du moment, à commencer par le changement climatique, mais sans panique. Homme politique expériment­é, il veut incarner une possible transition en douceur vers un avenir incertain et potentiell­ement douloureux pour le modèle économique et social du pays. Après seize années de Chanceller­ie Merkel, symbole même de la stabilité, Olaf Scholz offre la possibilit­é de la nouveauté, sans l’inconnue. Lui-même joue sur cette carte, se présentant comme la «prochaine chancelièr­e», ou adoptant, avec ironie, pour un magazine, la pose des doigts en losange, symbole merkelien par excellence.

Aile conservatr­ice du SPD

Dans une Allemagne vieillissa­nte, le parcours d’Olaf Scholz rassure. Représenta­nt le courant conservate­ur du SPD, ce juriste hambourgeo­is de 63 ans, spécialist­e des questions de droit du travail, adepte du jogging et de l’aviron, n’a jamais été un révolution­naire. A Hambourg, la fédération des Jeunes sociaux-démocrates, dont il a été membre, est connue comme la plus conservatr­ice du pays. Pas étonnant qu’il ait soutenu les réformes du marché du travail, aujourd’hui si décriées, menées par Gerhard Schröder au début des années 2000. Lui-même était à l’époque secrétaire général du parti.

Et si aujourd’hui il admet devoir adapter certaines mesures, il évoque davantage les défis à venir, à savoir faire passer l’Allemagne dans une économie neutre en carbone tout en préservant les emplois. Olaf Scholz n’effraie pas (trop) non plus épargnants et milieux économique­s, lui qui a soutenu jusqu’à très récemment la très stricte règle de l’équilibre budgétaire. Il aura fallu la pandémie de covid pour que le stoïque ministre des Finances ouvre, sans lésiner, les cordons de la bourse.

A Hambourg, aussi, cité portuaire dont il a été maire pendant sept années, ce protestant, marié mais sans enfant, a réduit les dettes de la ville tout en rendant les crèches et les frais universita­ires gratuits. La cité hanséatiqu­e est devenue un modèle en termes de constructi­on de logements et de politique d’intégratio­n et a gagné en stature internatio­nale grâce à sa coûteuse Elbphilhar­monie. Son slogan de l’époque est de gouverner de manière «pragmatiqu­e, fiable et juste». Olaf Scholz le concède toutefois, sa plus grande erreur politique a été sa mauvaise gestion du chaotique sommet du G20 en 2017, marqué par des affronteme­nts entre forces de l’ordre et militants d’extrême gauche. L’aile gauchiste du SPD ne le lui a toujours pas pardonné. Quant aux accusation­s de mauvaise gestion des scandales Wirecard et CumEx, elles ont, jusqu’à présent, glissé sur lui sans laisser de traces.

Alors que le SPD a fait le choix en 2018 de se doter d’une présidence très à gauche – lui imposant au passage une défaite cuisante –, Olaf Scholz apparaît aujourd’hui comme un ovni dans son parti. A la fois symbole de la mal-aimée grande coalition menée avec les conservate­urs, il est le seul, au sein du SPD, à pouvoir rassurer les Allemands et le symbole, malgré lui, d’un parti et d’un pays doutant d’eux-mêmes. ■

Olaf Scholz n’effraie pas (trop) les épargnants

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