Olaf Scholz, un social-démocrate «merkelien» qui inspire confiance
Il y a quelques mois, les mauvaises langues se moquaient d’Olaf Scholz, soulignant qu’il n’allait jamais dépasser les 14% d’avis favorables au sein de l’électorat allemand. Or à moins de dix jours des élections parmi les plus significatives de l’Allemagne d’après-guerre, qui marquent la fin de l’ère Merkel, le candidat social-démocrate est désormais l’homme à battre. Avec, dans le viseur, l’hypothèse d’un bouleversement politique majeur: le possible retour en force du SPD, longtemps moribond après avoir été cannibalisé au sein de la grande coalition d’Angela Merkel. Il y a moins de trois ans, la fin de la social-démocratie semblait pourtant programmée…
Autre leçon de la campagne: les espoirs des Verts d’accéder au graal de la Chancellerie, aidés par les inondations qui ont ravagé une partie du pays, sont revus à la baisse. Les Allemands nourrissent des attentes qui vont au-delà du climat. Arc-boutés sur le besoin de stabilité, que Merkel leur a procurée depuis 2005, ils sont conscients des difficiles paris à relever. A commencer par la défense des intérêts économiques allemands dans un contexte géopolitique désormais dominé par la Chine. Ils aspirent enfin à une transition énergétique qui garantisse l’emploi.
Dans un monde aussi incertain, Olaf Scholz, cette
«âme hanséatique», est finalement celui qui, comme la «baltique Merkel», inspire le plus confiance. Son manque de charisme devient un gage de sérieux renforcé par sa grande expérience gouvernementale. Il est en quelque sorte plus «merkelien» que le louvoyant candidat chrétien-démocrate, Armin Laschet. Dans un rare trait d’humour, n’a-t-il pas déclaré qu’il pouvait devenir «chancelière»? Incarnant l’aile conservatrice du SPD, il devra relever le formidable défi d’engager une modernisation dont l’Allemagne a cruellement besoin, en matière d’infrastructures et de numérisation de la société.
Rien n’est bien sûr joué. En fin de compte, les Allemands votent pour un parti et non pour un candidat. Mais en pleine pandémie, le SPD est susceptible de redonner du souffle à des sociaux-démocrates européens qui, après le basculement de la Norvège à gauche, peuvent espérer retrouver une boussole. A une condition: en cas de victoire au soir du 26 septembre, la future coalition qu’ils dirigeront devra être à la hauteur de la première puissance économique européenne.
Espérer retrouver une boussole
Olaf Scholz est parfois qualifié de phénix. Dernier homme politique en activité issu de la génération tant décriée de l’ex-chancelier Gerhard Schröder, ce typique Allemand du Nord, austère et sérieux, incarne l’inattendu regain de vivacité d’un Parti social-démocrate (SPD) encore récemment donné pour mort. Déjouant tous les paris des bookmakers, il est l’actuel favori pour prendre la relève d’Angela Merkel, à l’issue des élections du 26 septembre.
L’une des forces de l’actuel ministre des Finances et vice-chancelier allemand est qu’il personnifie, plus que ses concurrents, l’état d’esprit d’une majorité de ses concitoyens. Olaf Scholz promet certes le changement pour faire face aux défis du moment, à commencer par le changement climatique, mais sans panique. Homme politique expérimenté, il veut incarner une possible transition en douceur vers un avenir incertain et potentiellement douloureux pour le modèle économique et social du pays. Après seize années de Chancellerie Merkel, symbole même de la stabilité, Olaf Scholz offre la possibilité de la nouveauté, sans l’inconnue. Lui-même joue sur cette carte, se présentant comme la «prochaine chancelière», ou adoptant, avec ironie, pour un magazine, la pose des doigts en losange, symbole merkelien par excellence.
Aile conservatrice du SPD
Dans une Allemagne vieillissante, le parcours d’Olaf Scholz rassure. Représentant le courant conservateur du SPD, ce juriste hambourgeois de 63 ans, spécialiste des questions de droit du travail, adepte du jogging et de l’aviron, n’a jamais été un révolutionnaire. A Hambourg, la fédération des Jeunes sociaux-démocrates, dont il a été membre, est connue comme la plus conservatrice du pays. Pas étonnant qu’il ait soutenu les réformes du marché du travail, aujourd’hui si décriées, menées par Gerhard Schröder au début des années 2000. Lui-même était à l’époque secrétaire général du parti.
Et si aujourd’hui il admet devoir adapter certaines mesures, il évoque davantage les défis à venir, à savoir faire passer l’Allemagne dans une économie neutre en carbone tout en préservant les emplois. Olaf Scholz n’effraie pas (trop) non plus épargnants et milieux économiques, lui qui a soutenu jusqu’à très récemment la très stricte règle de l’équilibre budgétaire. Il aura fallu la pandémie de covid pour que le stoïque ministre des Finances ouvre, sans lésiner, les cordons de la bourse.
A Hambourg, aussi, cité portuaire dont il a été maire pendant sept années, ce protestant, marié mais sans enfant, a réduit les dettes de la ville tout en rendant les crèches et les frais universitaires gratuits. La cité hanséatique est devenue un modèle en termes de construction de logements et de politique d’intégration et a gagné en stature internationale grâce à sa coûteuse Elbphilharmonie. Son slogan de l’époque est de gouverner de manière «pragmatique, fiable et juste». Olaf Scholz le concède toutefois, sa plus grande erreur politique a été sa mauvaise gestion du chaotique sommet du G20 en 2017, marqué par des affrontements entre forces de l’ordre et militants d’extrême gauche. L’aile gauchiste du SPD ne le lui a toujours pas pardonné. Quant aux accusations de mauvaise gestion des scandales Wirecard et CumEx, elles ont, jusqu’à présent, glissé sur lui sans laisser de traces.
Alors que le SPD a fait le choix en 2018 de se doter d’une présidence très à gauche – lui imposant au passage une défaite cuisante –, Olaf Scholz apparaît aujourd’hui comme un ovni dans son parti. A la fois symbole de la mal-aimée grande coalition menée avec les conservateurs, il est le seul, au sein du SPD, à pouvoir rassurer les Allemands et le symbole, malgré lui, d’un parti et d’un pays doutant d’eux-mêmes. ■
Olaf Scholz n’effraie pas (trop) les épargnants