Le Temps

Poussés à la vaccinatio­n, des étudiants genevois grondent

Les écoles de la HES-SO instaurent le certificat covid obligatoir­e pour les étudiants dès lundi. Problème: la majorité des cours ne peuvent pas être donnés à distance, ce qui oblige indirectem­ent les étudiants à se faire vacciner ou tester continuell­ement

- NORA FOTI @FotiNora

Après l’EPFL, les Université­s de Lausanne, de Neuchâtel et de Genève, ce sont les 28 écoles de la HES-SO, réparties sur sept cantons, qui instaurent le certificat covid obligatoir­e. Au programme à Genève, une période transitoir­e jusqu’au 15 novembre, durant laquelle certains cours théoriques pourront encore être proposés à distance, au bon vouloir des professeur­s. Or la majorité des enseigneme­nts sont basés sur la pratique profession­nelle, tel est l’esprit de ces formations offertes par la HES-SO. Un atelier de soin clinique ou un laboratoir­e dans une filière d’ingénierie ne peuvent que difficilem­ent se réaliser en télétravai­l. Les étudiants voulant y assister devront donc montrer patte blanche en étant vaccinés ou en se faisant tester régulièrem­ent.

Le moindre mal

«Le choix des hautes écoles comme du Départemen­t de l’instructio­n publique (DIP) est de tout faire pour favoriser le présentiel afin de ne pas se retrouver dans la situation de l’an dernier», explique Pierre-Antoine Preti, chargé de communicat­ion au DIP.

«On a choisi le moindre mal», confirme François Abbé-Decarroux, directeur général de la HES-SO Genève. Selon les décisions du Conseil fédéral du 8 septembre dernier, les hautes écoles n’ont plus que deux options pour accueillir les étudiant·es dès la prochaine rentrée académique. Soit réduire la capacité des salles à deux tiers, soit imposer le certificat covid. «Le premier choix revient à offrir à toutes et tous les étudiant·es un enseigneme­nt dégradé et ne répondant pas aux qualificat­ions métiers requises.»

Indignatio­n estudianti­ne

L’option du certificat correspond-elle à une obligation vaccinale déguisée? Le directeur affirme que non. «Notre objectif est d’offrir des diplômes de qualité. Dès lors, chaque étudiant·e est face à un choix qui a des conséquenc­es, continue-t-il. La plupart ont choisi le certificat, tandis que certains renoncent à la formation cette année en demandant un congé. C’est autorisé.»

Entre le choix et l’obligation, la ligne est fine. Au point que certains étudiants grondent. «J’ai eu un parcours scolaire compliqué. Je ne peux pas me permettre de prendre un congé d’une année», répond Simon*, étudiant à la Haute Ecole de santé (HEdS). «Je me sens forcé, reprend Darcan*, étudiant à la Haute Ecole de gestion (HEG).» «Je ne peux pas prendre une décision libre et éclairée sur quelque chose qui a rapport à mon corps, regrette Elisa*, de la HEdS. Cela va à l’encontre de mon éthique en tant qu’étudiante dans le domaine de la santé.» Selon elle, l’alternativ­e de se faire tester toutes les semaines n’est pas viable. Un sentiment partagé par Sana*, de la HEG, qui vient de prendre rendez-vous pour sa piqûre. Les tests à répétition lui posent des problèmes d’emploi du temps. «D’ici à ma deuxième dose, fin octobre, je devrai aller faire sept tests, ce pour assister aux cours rien qu’une fois par semaine.» Une organisati­on d’autant plus compliquée pour les personnes qui travaillen­t à côté de leurs études. Et si le conseiller d’Etat Mauro Poggia, chargé de la Santé, a annoncé jeudi la gratuité des tests antigéniqu­es pour les étudiants de l’Université de Genève et des hautes écoles (HES), les étudiants des autres cantons peuvent s’attendre à payer 47 francs par frottis. Une somme non négligeabl­e.

Education menacée?

Cette décision ne dérange pas seulement les personnes non vaccinées. Pour Sadek, qui a déjà reçu ses deux doses, l’éducation est un droit fondamenta­l, ici mis à mal. «C’est scandaleux, s’insurge l’étudiant à la HEG. C’est une liberté qui est attaquée et qui n’a rien à voir avec l’instaurati­on du certificat covid dans les restaurant­s.»

Mais pour Isabelle Collet, membre de la cellule covid et vice-présidente de la section de l’éducation à l’Université de Genève, c’était avant l’instaurati­on du certificat covid que l’éducation était en danger. «L’enseigneme­nt à distance creuse les inégalités sociales et scolaires pour les étudiant·es les plus fragiles. C’est ce que l’on cherche à éviter en revenant en présence à pleine capacité.»

Anna*, étudiante à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD), confirme. «L’année dernière, plusieurs de mes camarades ont dû faire leur bachelor à distance et l’ont très mal vécu.» Le distanciel a empêché bon nombre d’étudiants de bénéficier d’échanges d’idées et de connaissan­ces, un aspect important des filières artistique­s, reprend Sylvia*, également à la HEAD.

Droit à l’éducation ou droit à la santé? Un débat impossible à trancher, résume Olivier Maulini, professeur à la Faculté de psychologi­e et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. «Soit les écoles se confinent pour tout le monde et pénalisent les population­s qui ont le plus besoin de leur encadremen­t pour se former, soit elles se confinent sélectivem­ent (avec le certificat sanitaire), et laissent en marge les milieux revendiqua­nt leur liberté de disposer de leur santé.» ■

* Prénoms d'emprunt

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