L’innovation au coeur de l’EPHJ
Les 530 sociétés présentes au salon EPHJ rivalisent d’ingéniosité pour proposer de nouvelles solutions et dessiner les futures tendances. Tour d’horizon avec les cinq nominés du Grand Prix des exposants
Foi d’organisateurs, jamais autant d’innovations n’auront été présentées à l’EPHJ. Le salon de la haute précision réunit depuis mardi et jusqu’à vendredi 530 exposants dans les halles genevoises de Palexpo, issus de la sous-traitance horlogère, des microtechnologies et de la medtech. Cinq d’entre eux étaient en compétition dans le cadre du traditionnel Grand Prix des exposants décerné mardi soir. Nominés par un jury d’experts, ils ont été départagés par les voix de leurs pairs.
Au-delà des prouesses techniques, les innovations présentées sont aussi révélatrices des problématiques et des tendances qui animent l’ensemble de cette industrie. Pour en avoir un aperçu, Le Temps est parti jeudi à la rencontre de ces cinq nominés.
Alternative au rhodium récompensée
Lauréat du concours, le spécialiste du traitement de surface STS, basé au Sentier (VD) et membre du groupe jurassien Acrotec, témoigne des enjeux liés à l’approvisionnement en matières premières, et plus particulièrement en rhodium.
Ce métal utilisé notamment en horlogerie pour donner un effet miroir aux composants voit son prix flamber depuis 2019. En cause, la décision du gouvernement chinois d’imposer l’installation de pots catalytiques – dont le rhodium est un élément essentiel – sur les véhicules à essence. STS a donc cherché une alternative pour l’industrie de la montre.
Deux ans plus tard, l’entreprise présente une technique de placage à base de platine blanc, dont le rhodium est un sous-produit. «Le plus grand défi a été d’obtenir une couleur identique à celle du rhodium, afin que les composants recouverts de platine puissent être utilisés sans différence visible», précise François Saulcy, le directeur de STS.
Le platine étant nettement moins rare que le rhodium, ce nouveau procédé permet de prévenir le risque de pénurie. Mais aussi de réduire drastiquement les coûts de production. A l’heure actuelle, le rhodium s’échange à 430 francs le gramme, contre 28 francs pour le platine.
Les horlogers misent également sur les matériaux pour se démarquer de leurs concurrents ou franchir de nouveaux caps techniques. C’est sur ce créneau que se profile la start-up française
Vulkam, basée à Grenoble, spécialisée dans les alliages métalliques dit «amorphes».
«Nos alliages présentent une élasticité plus élevée que l’acier traditionnel ou le titane, une meilleure résistance aux agressions externe et des coefficients de frottement extrêmement bas. Cela permet d’allonger la durée de vie des composants tout en réduisant la lubrification, mais aussi de repousser les limites de la miniaturisation», selon Yves Mathieu, collaborateur de l’entreprise.
Répondre à une demande de personnalisation croissante
L’entreprise chaux-de-fonnière Positive Coating apporte quant à elle de nouvelles possibilités en matière de traitement de surfaces. Sa candidature a été retenue grâce à un procédé permettant de produire des dégradés de couleurs sur des composants horlogers.
«Notre objectif est de répondre à une demande croissante en matière de personnalisation, principalement pour des marques horlogères qui proposent des petites séries ou des pièces uniques. C’est aussi une manière de montrer à une industrie qui aime l’homogénéité qu’il est possible de casser les codes», raconte Lucien Steinmann en charge du développement de l’entreprise.
Autre tendance dans l’industrie, l’économie circulaire, explorée par la jurassienne Panatere et la fribourgeoise Mestel. La première propose de l’acier recyclé de qualité horlogère produit à base de copeaux récupérés dans des entreprises de décolletage et fondus dans des fours solaires, pour le moment en France. «Nous prévoyons d’inaugurer notre propre four dans l’Arc jurassien l’an prochain, dans un endroit qui reste à définir, afin de favoriser les circuits courts», indique le patron, Raphaël Broye.
La seconde, spécialisée notamment dans la fabrication de bracelets de montres en caoutchouc, valorise ses chutes de production grâce à un procédé lui permettant de les réutiliser tout en conservant leurs propriétés d’origines, notamment en termes de résistance à la torsion et à la déchirure. Selon le directeur Christian Tissières, cela permet de donner une deuxième vie aux 30% de matière qui étaient auparavant jetés.
Reste désormais pour ces cinq entreprises à convaincre l’industrie d’adopter leurs solutions. «Même si les grandes marques sont des paquebots difficiles à faire tourner, cela montre qu’il y a sans cesse un renouveau technologique. Si nous parvenons à montrer aux consommateurs que ces nouvelles solutions existent et que la qualité est au rendez-vous, l’industrie suivra», conclut Christian Tissières avec philosophie.
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