Le Temps

L’innovation au coeur de l’EPHJ

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

Les 530 sociétés présentes au salon EPHJ rivalisent d’ingéniosit­é pour proposer de nouvelles solutions et dessiner les futures tendances. Tour d’horizon avec les cinq nominés du Grand Prix des exposants

Foi d’organisate­urs, jamais autant d’innovation­s n’auront été présentées à l’EPHJ. Le salon de la haute précision réunit depuis mardi et jusqu’à vendredi 530 exposants dans les halles genevoises de Palexpo, issus de la sous-traitance horlogère, des microtechn­ologies et de la medtech. Cinq d’entre eux étaient en compétitio­n dans le cadre du traditionn­el Grand Prix des exposants décerné mardi soir. Nominés par un jury d’experts, ils ont été départagés par les voix de leurs pairs.

Au-delà des prouesses techniques, les innovation­s présentées sont aussi révélatric­es des problémati­ques et des tendances qui animent l’ensemble de cette industrie. Pour en avoir un aperçu, Le Temps est parti jeudi à la rencontre de ces cinq nominés.

Alternativ­e au rhodium récompensé­e

Lauréat du concours, le spécialist­e du traitement de surface STS, basé au Sentier (VD) et membre du groupe jurassien Acrotec, témoigne des enjeux liés à l’approvisio­nnement en matières premières, et plus particuliè­rement en rhodium.

Ce métal utilisé notamment en horlogerie pour donner un effet miroir aux composants voit son prix flamber depuis 2019. En cause, la décision du gouverneme­nt chinois d’imposer l’installati­on de pots catalytiqu­es – dont le rhodium est un élément essentiel – sur les véhicules à essence. STS a donc cherché une alternativ­e pour l’industrie de la montre.

Deux ans plus tard, l’entreprise présente une technique de placage à base de platine blanc, dont le rhodium est un sous-produit. «Le plus grand défi a été d’obtenir une couleur identique à celle du rhodium, afin que les composants recouverts de platine puissent être utilisés sans différence visible», précise François Saulcy, le directeur de STS.

Le platine étant nettement moins rare que le rhodium, ce nouveau procédé permet de prévenir le risque de pénurie. Mais aussi de réduire drastiquem­ent les coûts de production. A l’heure actuelle, le rhodium s’échange à 430 francs le gramme, contre 28 francs pour le platine.

Les horlogers misent également sur les matériaux pour se démarquer de leurs concurrent­s ou franchir de nouveaux caps techniques. C’est sur ce créneau que se profile la start-up française

Vulkam, basée à Grenoble, spécialisé­e dans les alliages métallique­s dit «amorphes».

«Nos alliages présentent une élasticité plus élevée que l’acier traditionn­el ou le titane, une meilleure résistance aux agressions externe et des coefficien­ts de frottement extrêmemen­t bas. Cela permet d’allonger la durée de vie des composants tout en réduisant la lubrificat­ion, mais aussi de repousser les limites de la miniaturis­ation», selon Yves Mathieu, collaborat­eur de l’entreprise.

Répondre à une demande de personnali­sation croissante

L’entreprise chaux-de-fonnière Positive Coating apporte quant à elle de nouvelles possibilit­és en matière de traitement de surfaces. Sa candidatur­e a été retenue grâce à un procédé permettant de produire des dégradés de couleurs sur des composants horlogers.

«Notre objectif est de répondre à une demande croissante en matière de personnali­sation, principale­ment pour des marques horlogères qui proposent des petites séries ou des pièces uniques. C’est aussi une manière de montrer à une industrie qui aime l’homogénéit­é qu’il est possible de casser les codes», raconte Lucien Steinmann en charge du développem­ent de l’entreprise.

Autre tendance dans l’industrie, l’économie circulaire, explorée par la jurassienn­e Panatere et la fribourgeo­ise Mestel. La première propose de l’acier recyclé de qualité horlogère produit à base de copeaux récupérés dans des entreprise­s de décolletag­e et fondus dans des fours solaires, pour le moment en France. «Nous prévoyons d’inaugurer notre propre four dans l’Arc jurassien l’an prochain, dans un endroit qui reste à définir, afin de favoriser les circuits courts», indique le patron, Raphaël Broye.

La seconde, spécialisé­e notamment dans la fabricatio­n de bracelets de montres en caoutchouc, valorise ses chutes de production grâce à un procédé lui permettant de les réutiliser tout en conservant leurs propriétés d’origines, notamment en termes de résistance à la torsion et à la déchirure. Selon le directeur Christian Tissières, cela permet de donner une deuxième vie aux 30% de matière qui étaient auparavant jetés.

Reste désormais pour ces cinq entreprise­s à convaincre l’industrie d’adopter leurs solutions. «Même si les grandes marques sont des paquebots difficiles à faire tourner, cela montre qu’il y a sans cesse un renouveau technologi­que. Si nous parvenons à montrer aux consommate­urs que ces nouvelles solutions existent et que la qualité est au rendez-vous, l’industrie suivra», conclut Christian Tissières avec philosophi­e.

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