Le Temps

Coup de pression américain sur la banque Mirabaud

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Un influent sénateur américain demande à la banque privée genevoise comment un entreprene­ur texan, inculpé en octobre 2020, a pu dissimuler près de 1 milliard chez elle pendant plus d’une décennie, dès 2010

Mirabaud a-t-elle vraiment cherché à établir à qui appartenai­t in fine 1 milliard déposé en plusieurs fois chez elle à partir de 2010? C'est en substance ce que cherche à savoir le sénateur américain Ron Wyden, dans une lettre datée du 15 septembre et disponible en ligne, qui pose des questions embarrassa­ntes à la banque privée genevoise.

Car ce milliard n'a pas été déclaré au fisc américain par l'entreprene­ur texan Robert Brockman, qui est accusé depuis octobre 2020 d'avoir dissimulé 2 milliards de dollars et soustrait des centaines de millions d'impôt. Mirabaud se trouve ainsi aspirée dans le plus important cas de fraude fiscale concernant un individu de l'histoire des Etats-Unis. Contactée par Le Temps, la banque affirme avoir été trompée dans cette histoire et n'avoir jamais su que cet entreprene­ur milliardai­re se trouvait derrière les comptes abritant cet argent.

«Je suis profondéme­nt préoccupé par la durée et l'ampleur de cette fraude fiscale présumée», explique notamment le sénateur Ron Wyden. Il affirme vouloir comprendre les mécanismes utilisés dans ce dossier, qui commence en 2010 avec l'ouverture d'un compte chez Mirabaud par deux prêtenoms de Robert Brockman. L'un d'eux, un avocat, collabore avec la justice américaine.

Mirabaud dit n’avoir rien su

Le président de la Commission des finances du Sénat cherche en particulie­r à savoir si et comment Mirabaud a vérifié si Robert Brockman était un contribuab­le américain. Sauf que la banque n'a jamais su qu'il était le bénéficiai­re final de ces fonds, précise-t-elle dans une prise de position écrite envoyée au Temps, soulignant qu'aucun compte n'était ouvert au nom du milliardai­re américain.

L'établissem­ent affirme avoir été trompé, précisant que ce point est mentionné dans l'acte d'accusation contre Robert Brockman rédigé par un tribunal de Houston, au Texas. Ce document, dont Le Temps a une copie, ne formule d'ailleurs aucun reproche à la banque. Cette dernière rappelle avoir coopéré dans le cadre des demandes d'entraide envoyées par les autorités américaine­s. Quelque 950 millions de dollars déposés sur des comptes liés à Robert Brockman ont été gelés par la justice suisse en octobre 2020. La banque gérait 25 milliards de francs d'avoirs fin 2010.

Le fait que Mirabaud n'ait pas transmis d'informatio­ns concernant ce client pourrait remettre en question la décision de la banque de ne pas participer au programme de régularisa­tion des clients américains ouvert entre 2013 et 2016 pour les banques suisses, souligne également l'élu démocrate de l'Oregon dans sa lettre. Quelque 80 établissem­ents helvétique­s y avaient pris part, payant un total de 4,5 milliards de dollars d'amende. Mirabaud n'a pas souhaité s'exprimer sur ce point, mais assure avoir mis en place les procédures exigées par FATCA, la loi qui oblige les intermédia­ires financiers de la planète à transmettr­e des données sur leurs clients américains aux autorités de Washington.

Mirabaud a aussi fait l'actualité ces derniers mois dans l'affaire des 100 millions reçus par l'ex-roi Juan Carlos sur un compte à Genève. L'associé senior de la banque, Yves Mirabaud, a été entendu en tant que prévenu par le procureur Yves Bertossa dans ce dossier. Il lui est reproché de ne pas avoir signalé aux autorités anti-blanchimen­t l'arrivée de ces fonds jugés suspects par la justice genevoise, avait révélé en août El Pais.■

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