Le Temps

Vincent Bolloré assiège le groupe Lagardère

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

A travers l’OPA lancée mercredi sur Lagardère par Vivendi, l’homme d’affaires français entend compléter son empire. Et le parquet financier guette

Aucun suspense. A en croire les familiers du dossier, le rachat par Vivendi du groupe français Lagardère (propriétai­re des éditions Hachette et de plusieurs médias dont Paris Match, la radio Europe 1 et Le Journal du Dimanche) est déjà acquis.

Déjà actionnair­e à 27%, Vivendi - contrôlé par le milliardai­re Vincent Bolloré – a lancé mercredi une offre publique d'achat (OPA) sur les 18% d'actions possédées par Amber, un fonds d'investisse­ment résolument opposé à la gestion de l'actuel patron, Arnaud Lagardère.

Ce dernier, contesté depuis plusieurs années pour son train de vie fastueux et ses investisse­ments malencontr­eux dans le secteur sportif, avait perdu en juin 2021 la «commandite» qui lui permettait de conserver les rênes de l'entreprise fondée en 1992 par son père, Jean Luc Lagardère (décédé en mars 2003), l'un des patriarche­s du capitalism­e hexagonal, industriel de la défense (Matra) et patron de presse. Il n'est donc plus en mesure de résister à l'assaut de Vincent Bolloré. D'autant que l'autre milliardai­re impliqué, Bernard Arnault, a décidé en septembre de lui laisser le champ libre en revendant ses propres actions.

Un enjeu politique et judiciaire

L'affaire financière étant quasi bouclée (Vivendi s'est donné jusqu'au 15 décembre pour la réaliser), ce «deal» majeur sera surtout scruté, en France, sur le plan politique, judiciaire et médiatique. Côté politique, il renforcera considérab­lement l'influence du très conservate­ur Vincent Bolloré, à quelques mois de l'élection présidenti­elle d'avril 2022.

Côté médiatique, il permettra à ce dernier de resserrer encore plus son étreinte sur Europe 1, à l'image de la ligne populiste réactionna­ire de la chaîne de TV CNews, où officiait jusqu'à ces derniers jours Eric Zemmour.

Mais c'est peut-être du côté judiciaire que le suspense sera le plus sérieux: le Parquet national financier a ouvert, en avril, une enquête pour «abus de biens sociaux, achat de votes, comptes inexacts et diffusion d'informatio­n fausse ou trompeuse» contre Arnaud Lagardère, soupçonné d'avoir trompé ses actionnair­es. Cet OPA risque, pour ce dirigeant surendetté, de se transforme­r en calvaire personnel.

Jeudi à la clôture, le titre Lagardère avait bondi de 19,45% à 23,29 euros, alors que son indice de référence, le Next 150, s'affichait en hausse de 0,54%.

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