Le Temps

Katherine Choong relève son défi de l’été sous la pluie

- C. S.

La grimpeuse jurassienn­e a enchaîné à la journée une des voies les plus difficiles de Suisse. Cotée 8b+ et s’étendant sur sept longueurs, «6.4 Sekunden» lui a donné du fil à retordre

«Ce n’est qu’au quatorzièm­e jour que j’ai commencé à me sentir à l’aise»

6,4 secondes. C’est le temps nécessaire à une pierre pour atteindre le sol une fois jetée depuis le sommet de la falaise du Fürenwand à Engelberg, en Suisse centrale. Traduit en allemand, ce temps est devenu le nom d’une des longues voies les plus difficiles du pays. Prononcez «6.4 Sekunden» parmi les grimpeurs et vous verrez des yeux s’écarquille­r.

L’impasse sur les JO

Les sept longueurs de la voie couvrent la partie sommitale de la paroi haute de 700 mètres sur 170 mètres en dévers. Et si ce dévers implique une escalade particuliè­rement en force, il a aussi permis à la grimpeuse Katherine Choong d’aller s’y mesurer à l’abri des intempérie­s qui ont marqué cet été pluvieux.

Membre de l’équipe suisse d’escalade, la grimpeuse a vite su qu’elle ne participer­ait pas aux Jeux olympiques. Consciente de ne pas avoir le niveau nécessaire qu’impose le format de la compétitio­n, elle a préféré développer ses forces à l’extérieur. En 2018, en enchaînant «La Cabane au Canada» au Rawyl, en Valais, elle a été la première Suissesse à réussir une voie cotée 9a. Elle réitère la prouesse une année plus tard, dans «Jungfrau Marathon», dans l’Oberland bernois.

Il y a deux ans, la Jurassienn­e a eu envie de changement­s. Elle a donc jeté son dévolu sur l’escalade de longues voies qui consiste à s’élever, longueur après longueur, jusqu’au sommet de la paroi. «Le challenge est pour moi beaucoup plus complexe, confiet-elle. J’ai dû apprendre à gérer l’effort et le mental sur la durée. Les manipulati­ons de cordes ainsi que la peur du vide contribuen­t, par ailleurs, à user beaucoup d’énergie.»

La première femme

6c, 8b/b+, 8a+, 8a, 8a, 7c+, 7b. Ces chiffres correspond­ent aux cotations des longueurs et témoignent d’un niveau extrêmemen­t soutenu. Seuls deux hommes, Matthias Trottmann en 2005, et David Firnenburg en 2019, ont enchaîné cette voie. Katherine Choong est la première femme à y être parvenue. «Il m’a fallu beaucoup de temps pour réussir. J’y ai consacré seize jours au total, mais ce n’est qu’au quatorzièm­e que j’ai commencé à me sentir à l’aise. Ce jour-là, je suis venue à bout d’une des sept longueurs.»

C’était celle en 7c+. Une solution est ensuite trouvée dans une des 8a. «Ce n’était pas gagné, mais tout m’a semblé à nouveau possible», se souvient-elle. Elle, qui se croyait coincée dans le brouillard entre le Titlis et le Fürenwand voit une éclaircie à l’horizon. Le 9 septembre, la pluie pendant la marche d’approche n’augure rien de bon, mais Katherine Choong décide de se suspendre à nouveau dans la paroi. Elle passe le 6c et enchaîne sur le 8b+. «J’avais de la peine, mais je me suis donné l’objectif d’au moins passer le crux.» Il s’agit du passage le plus difficile de la voie: un mouvement dynamique aléatoire qui survient après un long dévers. Surprise, elle réussit.

Etait-ce un état de grâce? Le résultat mérité de deux semaines d’effort? Ou la combinaiso­n des deux? Les longueurs suivantes se succèdent dans un combat acharné entre un corps fourbu et un esprit déterminé. En fin de journée, mouillée mais heureuse, Katherine Choong a atteint son objectif: enchaîner chaque longueur de la voie en tête. Et être à l’heure pour descendre en téléphériq­ue.

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