«J’ai vécu une véritable horreur»
Parti avec de belles ambitions fin août, le navigateur vaudois Nils Palmieri a déchanté tout au long des quatre étapes de La Solitaire du Figaro. Il termine 20e, exténué, déçu, mais pas dégoûté. Il compte revenir pour «montrer ce qu’il peut faire»
Les propos que tenaient les concurrents de La Solitaire du Figaro jeudi soir, lors de la dernière vacation radio de l’épreuve, en disaient long sur leur état: «Je ne sais plus où je suis; Je m’arrache les cheveux; Je n’arrive pas à raccrocher; Je dors, mais le corps ne récupère plus, mon cerveau patauge dans la semoule…» Du premier au dernier, les marins ont puisé au fin fond de leurs ressources pour venir à bout de ce chemin de croix du large.
La Solitaire a tenu toutes ses promesses. Placée sous le signe de la longueur, elle a été très dure, particulièrement complexe et surtout impitoyable. Xavier Macaire qui participait pour la 11e fois et comptait sur une victoire doit se contenter de la 2e place. Nils Palmieri, vainqueur au printemps de la Transat en double, comptait faire mieux que l’an passé… Il termine 20e, soit deux rangs plus loin qu’en 2020.
De retour de l’enfer
Dix-neuvième de la première étape, 21e de la deuxième, Nils Palmieri a signé son pire résultat lors de la troisième manche, qu’il a terminée 28e (sur 34 concurrents). «Je reviens de l’enfer, confiait-il alors, encore groggy par la centaine d’heures passées en mer sans sommeil. J’ai vécu une véritable horreur. Je me suis mis dans tous les mauvais coups! Sur le plan sportif, j’en bave, je suis fatigué…» Avec le recul, il évoque un manque de réussite crasse, et une météo impossible à suivre, où tout s’est joué à l’envers de ce qui était attendu. Rompu à l’exercice du yoyo émotionnel qu’induit la course au large, le marin a su faire preuve de résilience et est reparti avec l’envie de conclure sur une bonne impression, même s’il avait déjà déclaré avoir «foiré» sa Solitaire. Intégré au paquet de tête, il a passé le fameux phare du Fastnet au sud de l’Irlande 8e, collé aux leaders. Au retour vers Saint-Nazaire, il est parti avec quelques autres concurrents sur une option Sud. La bascule de vent attendue dans un sens et sortie dans l’autre, et les espoirs de terminer dans les dix se sont effondrés au moment du regroupement final. La casse a été limitée, et Nils Palmieri a conclu la dernière étape avec une 17e place, la meilleure de la course.
Surentraînement probable
Joint par téléphone vendredi, après une douzaine d’heures de récupération, Nils
Palmieri ne s’est pas montré démonté, même s’il n’a pas caché sa déception. «Mon classement a surpris tout le monde, surtout mes concurrents, qui s’attendaient à me voir batailler devant», confie-t-il. Et de poursuivre: «Je pense que je suis arrivé à un stade de surentraînement psychologique. Nous avons énormément travaillé en hiver et au printemps pour la Transat, et ça a payé, puisque nous l’avons gagnée. Mais je ne me suis pas rendu compte que la fatigue s’était accumulée. Il y a bien eu quelques signaux durant les courses d’été, avec des erreurs que je ne fais normalement pas. Mais je n’ai pas su m’écouter.»
Fort de ce constat, le skipper de TeamWork parle de raccrocher les gants quelques mois. «Il faut que je laisse le bateau de côté jusqu’à la fin de l’année, peut-être le début de l’année prochaine. Je ne vais pas participer aux courses d’automne.» La reprise des entraînements pourrait avoir lieu dans le courant du mois de janvier, afin d’être prêt pour les premières régates du mois de mars. «Il y a de toute façon le chantier d’hiver à gérer. C’est primordial, on doit travailler avec le préparateur. Je ne vais donc pas complètement décrocher, mais je dois prendre beaucoup de repos.»
Un repos qui doit lui permettre de mieux rebondir l’an prochain. «J’ai signé avec mon partenaire jusqu’à la fin de la saison 2022, mais j’aimerais bien avoir une visibilité pour encore deux éditions. Ce qui devrait me permettre de montrer de quoi je suis capable sur cette course mythique. En plus, en 2023, il y aura un titre à défendre sur la Transat en double. Mais nous allons avoir ces discussions durant l’automne pour envisager l’avenir. Je reste plus motivé que jamais à poursuivre ma passion. Cette course m’a beaucoup appris sur moi-même. Je veux revenir et faire mieux.» ■
«ll y a bien eu quelques signaux durant les courses d’été, avec des erreurs que je ne fais normalement pas. Mais je n’ai pas su m’écouter» NILS PALMIERI, NAVIGATEUR