Le Temps

CARROUSEL DE RETOUR AU GRAND AIR

- CHRISTIAN LECOMTE @chrislecdz­5 En concert le 18 septembre à Estavayer-le-Lac, L’Azimut Switzerlan­d. Autres dates sur www.carrousel-musique.com

Le duo jurassien livre un cinquième album poétique et lumineux, composé durant le confinemen­t. A découvrir lors d’une grande tournée entre la Suisse et l’Allemagne

◗ On les rencontre à la Sallaz, en cette fin d’aprèsmidi. Ils sont les invités du Grand soir sur La Première. Mini-concert acoustique. Léonard Gogniat, sa voix et sa guitare. Sophie Burande, sa voix et son xylophone. Trois titres de leur dernier album, sobrement nommé Cinq «parce que c’est tout simplement notre cinquième», dit Sophie. On les sent heureux de se retrouver au grand air musical, après tant de mois confinés là-haut chez eux à Courtétell­e, dans le Jura. Il y a pire comme lieu pour se blottir et laisser passer les vagues. Mais lorsqu’on vit sur scène, avec le public devant et les musiciens derrière, les concerts live sur Facebook frustrent, même s’ils maintienne­nt un lien.

«Nous avions parfois jusqu’à 200 personnes lors de ces directs, mais une fois déconnecté­s, on se sentait très seuls», rappelle Sophie. Sorti en 2017, le très réussi Filigrane (Plus de couleurs, C’est la vie, Itinérant), aux 3 millions d’écoutes sur les plateforme­s numériques, avait été enregistré au mythique studio ICP de Bruxelles, où sont passés Bashung, Souchon, Simple Minds, Lady Gaga, Pharrell Williams ou encore Miriam Makeba. Covid oblige, Cinq a été imaginé, écrit, composé et fabriqué chez eux, dans leur studio, à dix pas et autant de notes de la maisonnée. «Le bassiste était à Zurich, le batteur à Aarau, le pianiste et arrangeur Mathieu Friz ici et là, les interactio­ns n’ont pas toujours été aisées, mais ça a fonctionné», résume Léonard.

Le rendu du «bricolage» est magnifique. Dans Cinq, Carrousel fait d’abord du Carrousel. Voilà, premier titre, nous décroche des sourires et un déhancheme­nt comme Reviendra en 2010, J’avais rendez-vous en 2012 ou encore Eva en 2014. C’est ciselé, aérien, frais et ça trotte des heures dans la tête.

Surprise: Sophie a remisé son accordéon – «ça fait vingt ans que je le porte, ça devenait lourd» – mais sont là l’ukulélé, le toy piano, le mélodica et même la Remington (la machine à écrire, donc, dont les frappes impriment la cadence). Et puis, signe d’une époque où la planète a ralenti, le tempo a baissé.

Sophie Burande, auteure de la plupart des textes, a trempé sa plume dans l’encre de nos jours lents. Dans La Vie sauvage, elle se souvient de tous ces animaux qui erraient dans les rues des villes – «plus personne ne sort, la vie sauvage dehors, ne fais pas de bruit». Instants introspect­ifs, retour aux valeurs de proximité et de simplicité, où le proche à distance se rapproche. Sophie reçoit le jour de son 40e anniversai­re une photo d’elle lorsqu’elle avait 4 ans, envoyée par une lointaine parente. Emoi. Elle écrit donc La Distance, chanson douce qui tire l’âme à l’oeil sous l’effet du miroir – «je regarde tes yeux noirs, qu’est-ce que tu regardes, je connais ton histoire, il reste des échardes». Tous les deux est une ballade chuchotée pour ne pas réveiller les enfants qui dorment, les voix de Sophie et Léonard posées ensemble sur leurs deux garçons de 7 et 4 ans, le temps qui passe, à saisir un peu, sinon l’arrêter, au moins le freiner, «plus je vous regarde et moins il me tarde demain».

Voilà treize années que ces deux-là nous enchantent. On aime bien leur histoire, alors on vous la ressert. Eté 2007, Léonard Gogniat, enseignant à Delémont qui écrit des chansons, rencontre près de Sisteron l’Auvergnate Sophie Burande, qui, à l’heure de l’apéro, joue de l’accordéon devant les bistrots. Il va vers elle, ses yeux à elle viennent à lui. Mêmes goûts musicaux – Brel, Brassens, Miossec, Bénabar, Louise Attaque, Yann Tiersen. Ils ne se quittent plus, piochent dans le répertoire de l’un et de l’autre, inventent des chansons, puis Carrousel. Elle aime écrire, poétiser, il aime bricoler, arranger.

UNE QUARANTAIN­E DE DATES

«Souvent, Léonard me dépose comme ça sur un coin de table des notes, un début de mélodie et je vois ce que je peux en faire, si je prolonge l’air et si des mots vont avec», résume-t-elle. Et puis il y a les tournées, le cirque Carrousel, leurs petits airs de manège qui roulent sur la Suisse, d’Estavayer ce samedi à Schaffhous­e en passant par Berne, Rolle ou Neuchâtel, et ailleurs, surtout l’Allemagne (Tübingen, Fribourg-en-Brisgau, Leipzig, Berlin, etc.). Neuf concerts en 2020 à cause de la pandémie, contre une moyenne de 70 avant. On mesure leur impatience.

Une quarantain­e de dates sont agendées dès cet automne. On leur demande le pourquoi de cette ferveur chez les Germains. «Je crois qu’on représente un peu la chanson française qu’ils aiment, il y a là-bas un culte du français, mais peu de culture française», répond Léonard. Sophie poursuit: «On a commencé dans des clubs, au fond des bars devant une poignée de personnes. Et puis on est revenus l’année suivante et il y avait plus de monde. Les tournées se sont montées comme ça.» Etonnant: il arrive que le public allemand reprenne en français certains de leurs titres qu’ils connaissen­t par coeur. En retour, Carrousel chante parfois dans la langue de Goethe. Elle danse, par exemple, a été traduit: «Sie tanzt in bunter Eleganz zieht mich in ihren Bann di Zeit bleibt stehen…» ■

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(GAËLLE SCHWIMMER)
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«Cinq» (Jazzhaus Records) Carrousel,

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