«Je pense que les risques sont faibles»
«La Suisse est un petit territoire avec un passé et un présent industriels importants»
Afin de mieux comprendre les risques liés aux dioxines, l’écotoxicologue Nathalie Chèvre revient sur les thématiques abordées avec une certaine prudence, sans sous-estimer pour autant les enjeux sur le long terme
Qu’est-ce qu’une dioxine?
Les dioxines forment une famille de substances. Il en existe 210 cousins différents, qui se distinguent par leur quantité en chlore. Il y en a des plus toxiques que d’autres, qu’on peut reconnaître par leur facilité à pénétrer dans les matières vivantes. Une fois dans le sol, les dioxines mettent des centaines d’années avant de disparaître.
Est-ce qu’elles représentent un danger pour la population?
Ça dépend où elles se trouvent, dans quel compartiment de l’environnement. Dans le sol, elles sont relativement stables et peu disponibles. Ce qui est plus dangereux, c’est quand on retrouve des dioxines dans l’air, ce qui ne devrait plus arriver grâce aux filtres qui sont mis sur les cheminées des usines d’incinération. Pour revenir au cas de Lausanne, à part une consommation régulière de produits terriens tels que les cucurbitacées ou les oeufs, je ne pense pas qu’il y ait un véritable danger.
Que conseillez-vous aux exploitants des jardins qui se trouvent dans les zones à risque?
Les recommandations de la ville sont correctes. Il faut rincer la nourriture produite dans ces zones et éplucher les légumes. Après, tout dépend de la consommation de chacun. Si vous mangez deux oeufs par semaine qui proviennent d’un jardin potentiellement touché par les dioxines, à mon avis, vous ne courez pas un vrai danger. Par contre, si votre
consommation de produits provenant de ces zones est quotidienne, il faudrait mener des analyses plus poussées sur votre parcelle pour voir le taux de dioxines afin de réfléchir aux mesures à prendre.
Le taux de dioxines peut donc varier d’un jardin à l’autre?
Tout à fait. Ça dépend de l’usage qui en a été fait depuis une vingtaine d’années. Si le sol a été complètement retravaillé avec de la nouvelle terre ou un revêtement différent, il n’y a pas de problèmes. Pareil pour les plantations qui sont faites dans des bacs avec de la terre achetée en magasin.
Et qu’en est-il des places de jeux?
C’est pareil. La plupart des revêtements ont été changés au cours des dernières années, donc le taux de dioxines devrait être très bas. Je ne veux pas minimiser le problème, mais je pense que les risques sont faibles.
Quel peut être l’impact des dioxines sur notre corps?
Tout dépend de la quantité ingérée. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les effets des dioxines peuvent survenir sur le long terme. Elles peuvent avoir un impact sur la fertilité ou sur le développement de cancers. Mais en Suisse, je n’ai pas connaissance de cas qui ont eu un impact sur la santé où l’on a pu directement impliquer les dioxines.
Que retenir de cette histoire?
Ce qui est très intéressant avec cette affaire, c’est de se rappeler que la Suisse est un petit territoire avec un passé et un présent industriels importants. Il existe 38000 sites contaminés en Suisse. Il est toujours difficile d’agir après que la pollution a été détectée. Par contre, lutter contre les pollutions actuelles permettra de diminuer l’impact de nos activités pour les générations futures.