Haine et recherche d’identité
Qui suis-je? Pourquoi tant de haine à n’être que soi-même? Comment être Suisse sans se fermer aux autres, comment s’ouvrir aux autres sans se perdre? La question de l’identité, individuelle et collective, se pose brutalement. Quand on n’est pas reconnu, un cycle mortel prend forme qui mène au chaos. Attention danger.
Le droit d’être soi, ni plus ni moins. Caroline Dayer, chercheuse et formatrice, porteuse d’une expérience de terrain, sait de quoi elle parle. Elle veut, par son action, promouvoir le passage du silence à la reconnaissance. Comment faire? Daniel Rothenbühler, critique littéraire actif des deux côtés de la Sarine, partant des réflexions d’Axel Honneth, plaide pour une triple reconnaissance, affective, juridique et culturelle dans un texte que vous trouvez sur notre site Internet. Réda Benkirane, sociologue, grand connaisseur de l’islam, reprend la pensée de Pankaj Mishra, pour montrer que le modèle que nous avons construit à partir des Lumières brise les anciennes cultures, casse les appartenances et ouvre les chemins de la haine. Charles Bonsack, professeur de psychiatrie sociale au CHUV, nous avertit: la peur primitive de sa propre destruction parfois commande.
Et pourtant. Le processus d’émancipation, qui nous porte depuis si longtemps, ne s’est pas éteint. Combien de combats aujourd’hui en témoignent. Merveilleux retour des choses: quelque chose résiste à la marchandisation du monde et de la vie qui devait nous transformer définitivement en consommateurs captifs. Car les idées circulent, car des comportements nouveaux deviennent des récits qui parlent de futurs possibles. Les vieux archaïsmes, le patriarcat, les relations que nous entretenons avec la nature, le toujours plus, tout cela est mis en cause ici et ailleurs, entre dans la culture, permet de nouer de nouveaux rapports de force, d’expérimenter et d’apprendre. Est-ce la force des idées, est-ce contre la pulsion de mort, la pulsion de vie, contre la servitude volontaire, le goût de la liberté, contre la haine, la justice? Quelque chose, dans la profondeur de l’histoire, résiste: une émancipation souterraine s’affirme portée par les êtres nouveaux qui peu à peu entrent dans le jeu et peuplent le monde. Où nous mènera-t-elle? Heureusement il y a le désordre climatique qui ouvre la possibilité d’un nouvel ordre.
Pour finir, pas de conseil. Le dernier mot est à Borges: «Qu’importe notre lâcheté s’il y a sur la terre un seul brave, qu’importe la tristesse s’il y a dans le temps quelqu’un qui s’est dit heureux.» (L’Or des tigres).
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