Le Temps

«Bien sûr qu’il y a une mer à Lausanne, vous l’ignoriez?»

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PITTET @lionel_pittet

Le Lausanne-Sports organise ce samedi les premières régates d'aviron de mer de Suisse

tCe n'est pas un secret pour les rameurs: le Léman n'est pas le plan d'eau idéal pour la pratique de l'aviron. Il est trop vaste. Trop exposé au vent. Trop perturbé par des vagues. Et si ce lac était en réalité propice à l'aviron… de mer?

C'est le postulat du Lausanne-Sports Aviron, qui organise ce samedi dès 10h30 les premières régates en Suisse de cette variante de la discipline imaginée pour dompter les plans d'eau agités. En plein essor, elle postule à un destin olympique. Ce serait trop bête que la Suisse ne se joigne pas à la fête, estime Fanny Mossière, qui fut championne du monde en 2008, en terminant les préparatif­s de la première édition de Léman-sur-Mer.

Vous êtes au courant que la Suisse n'a pas d'accès direct à la mer?

Comment ça? Bien sûr que si! Le Léman est une mer, vous l'ignoriez? On y dénombre 80 types de vent différents, il y a des vagues et de nombreux navigateur­s y ont fait leurs armes avant de connaître du succès dans des courses au large.

L'aviron de mer y serait donc plus adapté que l'aviron classique?

Disons qu'on est limité dans la pratique de l'aviron de rivière par les conditions propres à un plan d'eau de cette taille. Il y a beaucoup de jours où il n'est pas possible de sortir. En aviron de mer, c'est différent. Cette variante a été inventée en Bretagne, de manière à ce qu'il soit possible de ramer dans le contexte local. Les bateaux sont plus larges et plus lourds pour pouvoir passer les vagues. Ils sont aussi auto-videurs: l'eau entre et sort d'elle-même, sans le risque de couler qui existe en aviron classique. Il faut envisager les deux discipline­s comme complément­aires.

Sont-elles très différente­s dans l'approche?

Le geste de base est le même, avec la différence qu'il faut aller chercher l'eau où elle se trouve en fonction des vagues. Donc l'action de ramer est moins régulière. Par ailleurs, l'aviron de mer possède un lien avec la voile dans le sens où il y a des bouées autour desquelles il faut virer. Ce n'est pas une course de 2 kilomètres au bout de laquelle le plus fort gagne, il y a une composante de navigation qui rajoute aux régates une dimension tactique supplément­aire. L'ambiance est également un peu différente. Pour l'instant, il s'agit d'un sport jeune, en plein essor, l'atmosphère est un peu moins sérieuse, un peu plus ludique. Beaucoup de rameurs y viennent au moment de laisser derrière eux leurs années de compétitio­n en aviron de rivière et ils découvrent autre chose.

Pourquoi le Lausanne-Sports se lance-t-il dans l'organisati­on de régates?

Il faut voir notre événement comme une première étape dans le développem­ent de la pratique en Suisse. Nous le reconduiro­ns chaque année et nous espérons qu'il inspirera d'autres organisate­urs. Nous attendons beaucoup de jeunes ce week-end. Peut-être qu'après avoir essayé, ils inciteront leurs clubs à suivre le mouvement, notamment en achetant des bateaux. Pour l'instant, peu en ont dans le pays. Pour Léman-sur-Mer, nous en avons réuni une vingtaine, prêtés par d'autres sociétés ou des constructe­urs. L'idée, c'est que les gens s'équipent et que la Suisse participe au développem­ent de ce sport qui pourrait devenir olympique en 2028 à Los Angeles.

L'aviron de mer est-il suffisamme­nt pratiqué et universali­sé pour y prétendre?

Oui. L'histoire a commencé en Europe, mais aujourd'hui l'aviron de mer s'est exporté en Amérique du Nord, en Australie, en Asie. Il y a un constructe­ur de coques en Chine et les Championna­ts du monde se sont déjà déroulés à Hongkong.

Vous avez d'ailleurs été sacrée championne du monde en 2008, en Italie. Comment êtesvous parvenue à un tel résultat?

Les membres du Lausanne-Sports ont découvert l'aviron de mer à l'occasion de plusieurs séjours à Rennes, en Bretagne, sans trop faire de compétitio­n. Mais un jour, nous avons participé au Critérium d'Arcachon et nous nous sommes imposées dans la catégorie quatre rameuses plus un barreur. Les Championna­ts du monde avaient lieu deux semaines plus tard à San Remo, on nous y a invitées. Là, la course a terribleme­nt mal débuté: nous avons cassé notre barre après 500 mètres et nous sommes sorties du champ de courses. Cela nous a tellement énervées que nous avons remonté tout le monde pour nous imposer!

«Ce sport pourrait devenir olympique en 2028 à Los Angeles» FANNY MOSSIÈRE, EX-CHAMPIONNE DU MONDE

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