Toutes les images qui bougent vont au GIFF
La 21e édition du Geneva International Film Festival se dote d’une nouvelle directrice, Anaïs Emery. Le festival poursuit son exploration des territoires qui s’ouvrent au-delà du cinéma
tLe Geneva International Film Festival a démarré au mitan des années 90, sous l'appellation modestement francophone de Tout Ecran. A l'époque, éprise de 7e art, l'intelligentsia méprisait les produits télévisés. La manifestation a osé mettre sur pied d'égalité les productions télévisuelles et cinématographiques. Un quart de siècle plus tard, les séries affolent la planète, et le petit écran, sous toutes ses formes, fait la nique au grand. Perpétuant sa mission de défrichage, le GIFF invite à «une conception englobante de la création audiovisuelle qui va du cinéma aux jeux vidéo en passant par le XR», c'est à dire la «réalité virtuelle, augmentée et mixte».
Grenouille hilare
Conçu par Benjamin Muzzin, un alumni de l'ECAL, le visuel de la 21e édition annonce la couleur: c'est un enchevêtrement digital d'eau éclaboussée et d'orchidée bleue dont les pétales dévoilent la nature vectorielle. L'image se traduit dans le réel sous forme de deux bouquets mêlant cinéraires et tulipes bleues martiennes. Cette flamboyante dichotomie d'électronique et de chlorophylle met une touche science-fictive dans la conférence de presse du GIFF. Elle donne le ton d'un festival où «la technologie doit être au service de l'imaginaire et de l'humain» rappelle la nouvelle directrice, Anaïs Emery.
Venue du NIFF, le Neuchâtel International Fantastic Film Festival qu'elle a co-créé il y a 20 ans, Anaïs Emery a pris ses fonctions en janvier, au plus sombre de la pandémie quand l'avenir était lourd d'incertitude. Celle qu'Anja Wyden Guelpa, présidente de la Fondation GIFF, présente comme une «perle», dotée «d'une vision stratégique hors-pair» et «à l'affut de la prochaine révolution audiovisuelle», a su mettre sur pied une édition alléchante en dépit d'une conjoncture hostile. Elle rappelle ses objectifs: montrer la direction et raffermir l'identité d'un festival «frondeur» et «fluide», conçu comme un laboratoire ouvert à tout ce qui fait «la brûlante actualité de l'audiovisuel et son avenir».
Adèle Haenel et Riad Sattouf
Le programme s'annonce copieux et prometteur. Dix films en Compétition internationale de longs métrages, dix produits télévisuels en Compétition internationale de séries et neuf objets non identifiés, «interactifs, linéaires ou immersifs» en Compétition internationale d'oeuvres immersives. Cette dernière section donne à croire que la fameuse question dickienne, «Qu'est-ce que la réalité?», n'a pas encore trouvé de réponses.
Sans oublier les sections non compétitives telles Highlights, Pulsation ou Future is sensible qui s'intéressent à l'avenir des technologies, aux liens de l'ouïe et de la vue. Les natifs du 20e siècle s'inquiètent un peu: ne risquent-ils pas de se perdre dans les Territoires virtuels, 600 m2 dans la Maison Communale de Plainpalais dévolus à l'exploration de la création numérique contemporaine? Feront-ils tache dans le Geneva Digital Market, cet observatoire des nouvelles technologies, qui se tient au Plaza?
Mais voici qu'apparaît la bouille verte de Kermit, figure de proue de Pop TV, qui s'immerge dans l'histoire de la télévision, ce média qui, via Goldorak, a ouvert maints regards sur la culture japonaise ou, via les telenovelas, rapproché l'Amérique latine. Derrière la grenouille hilare se profilent des figures amicales, comme Adèle Haenel, Riad Sattouf, Udo Kier ou Luca Guadagnino.
Le GIFF est ouvert à tous avec, en bonus, la promesse de quelques pas vers le futur.
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27th Geneva International Film Festival. Genève. Du 5 au 14 novembre. www.giff.ch