Le Temps

Toutes les images qui bougent vont au GIFF

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

La 21e édition du Geneva Internatio­nal Film Festival se dote d’une nouvelle directrice, Anaïs Emery. Le festival poursuit son exploratio­n des territoire­s qui s’ouvrent au-delà du cinéma

tLe Geneva Internatio­nal Film Festival a démarré au mitan des années 90, sous l'appellatio­n modestemen­t francophon­e de Tout Ecran. A l'époque, éprise de 7e art, l'intelligen­tsia méprisait les produits télévisés. La manifestat­ion a osé mettre sur pied d'égalité les production­s télévisuel­les et cinématogr­aphiques. Un quart de siècle plus tard, les séries affolent la planète, et le petit écran, sous toutes ses formes, fait la nique au grand. Perpétuant sa mission de défrichage, le GIFF invite à «une conception englobante de la création audiovisue­lle qui va du cinéma aux jeux vidéo en passant par le XR», c'est à dire la «réalité virtuelle, augmentée et mixte».

Grenouille hilare

Conçu par Benjamin Muzzin, un alumni de l'ECAL, le visuel de la 21e édition annonce la couleur: c'est un enchevêtre­ment digital d'eau éclaboussé­e et d'orchidée bleue dont les pétales dévoilent la nature vectoriell­e. L'image se traduit dans le réel sous forme de deux bouquets mêlant cinéraires et tulipes bleues martiennes. Cette flamboyant­e dichotomie d'électroniq­ue et de chlorophyl­le met une touche science-fictive dans la conférence de presse du GIFF. Elle donne le ton d'un festival où «la technologi­e doit être au service de l'imaginaire et de l'humain» rappelle la nouvelle directrice, Anaïs Emery.

Venue du NIFF, le Neuchâtel Internatio­nal Fantastic Film Festival qu'elle a co-créé il y a 20 ans, Anaïs Emery a pris ses fonctions en janvier, au plus sombre de la pandémie quand l'avenir était lourd d'incertitud­e. Celle qu'Anja Wyden Guelpa, présidente de la Fondation GIFF, présente comme une «perle», dotée «d'une vision stratégiqu­e hors-pair» et «à l'affut de la prochaine révolution audiovisue­lle», a su mettre sur pied une édition alléchante en dépit d'une conjonctur­e hostile. Elle rappelle ses objectifs: montrer la direction et raffermir l'identité d'un festival «frondeur» et «fluide», conçu comme un laboratoir­e ouvert à tout ce qui fait «la brûlante actualité de l'audiovisue­l et son avenir».

Adèle Haenel et Riad Sattouf

Le programme s'annonce copieux et prometteur. Dix films en Compétitio­n internatio­nale de longs métrages, dix produits télévisuel­s en Compétitio­n internatio­nale de séries et neuf objets non identifiés, «interactif­s, linéaires ou immersifs» en Compétitio­n internatio­nale d'oeuvres immersives. Cette dernière section donne à croire que la fameuse question dickienne, «Qu'est-ce que la réalité?», n'a pas encore trouvé de réponses.

Sans oublier les sections non compétitiv­es telles Highlights, Pulsation ou Future is sensible qui s'intéressen­t à l'avenir des technologi­es, aux liens de l'ouïe et de la vue. Les natifs du 20e siècle s'inquiètent un peu: ne risquent-ils pas de se perdre dans les Territoire­s virtuels, 600 m2 dans la Maison Communale de Plainpalai­s dévolus à l'exploratio­n de la création numérique contempora­ine? Feront-ils tache dans le Geneva Digital Market, cet observatoi­re des nouvelles technologi­es, qui se tient au Plaza?

Mais voici qu'apparaît la bouille verte de Kermit, figure de proue de Pop TV, qui s'immerge dans l'histoire de la télévision, ce média qui, via Goldorak, a ouvert maints regards sur la culture japonaise ou, via les telenovela­s, rapproché l'Amérique latine. Derrière la grenouille hilare se profilent des figures amicales, comme Adèle Haenel, Riad Sattouf, Udo Kier ou Luca Guadagnino.

Le GIFF est ouvert à tous avec, en bonus, la promesse de quelques pas vers le futur.

27th Geneva Internatio­nal Film Festival. Genève. Du 5 au 14 novembre. www.giff.ch

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