«Neumatt», la série suisse qui met les pieds dans le foin
S'il est un secteur difficile à empoigner en série, c'est bien la paysannerie. Ces dernières années, les feuilletons ont plongé dans les milieux les plus branchés – et ils se sont aussi mis, enfin, aux affaires et aux milieux économiques. La terre, par contre, ça salit toujours. Ce monde-là reste coincé entre le marketing de la grande distribution qui fabrique des récits sur le terroir «bien de chez nous» et, dans la dimension audiovisuelle, les amourettes d'agriculteurs en téléréalité.
Fiction de la SRF, Neumatt a donc une carte d'avance: son originalité. Elle est montrée ces temps par la RTS sur Play RTS (et pas Play Suisse, allez comprendre), hélas uniquement en VF. La série créée par Marianne Wendt avec Petra Volpe, réalisée par Sabine Boss et Pierre Monnard, conte les dilemmes d'une famille après la mort du père. Que faire de Neumatt (le nom de la ferme)?
Se saisissant déjà d'une matière peu évidente – les râles des vaches, l'odeur du purin, la boue aux chaussures –, l'auteure principale a opté pour une conception classique. Le père avait trois enfants aux trajectoires opposées: le petit dernier, un peu simplet aux études mais paysan prometteur, la patronne de salle de gym à la déprimante sexualité, le golden boy consultant en affaires qui a la tête au New York Stock Exchange et le nez dans la poudre – et qui est gay, pour compliquer un peu la donne.
Leurs enjeux personnels émaillent le feuilleton avec, parfois, de petits tours d'horizon des protagonistes en musique, chacun dans sa situation à un moment donné, méthode formalisée naguère par les Danois. Le drame est mis en mouvement par un mensonge de l'épouse, qui nie et fait nier le suicide.
Même si elle se bâtit sur le corps du décédé, lequel n'était guère plus bavard de son vivant, Neumatt évite la voie du feuilleton obsédé par les intentions et le poids du patriarche. L'intrigue se déplace plutôt vers le choix à opérer quant à l'avenir du domaine, convoité par un genre d'Amazon pour une base logistique. L'auteure place ainsi sa fiction au coeur du propos réel, l'attitude des nouvelles générations face à ces héritages de la terre.