Dans le canton de Vaud aussi, c’est le parcours du combattant
Toujours plus de Vaudois souhaitent profiter du lac Léman pour y faire du bateau. La demande dépasse l’offre au point de transformer l’attribution des places d’amarrage en attente sans fin
Chez les Vaudois, ce sont les communes lacustres qui gèrent l’attribution des places d’amarrage, et non le canton. C’est le point de différence avec Genève, qui vient de présenter un nouveau modèle de gestion de ces sésames très convoités (lire ci-dessus). Si la situation vaudoise est présentée en exemple par Antonio Hodgers, conseiller d’Etat genevois, la réalité du terrain réserve des surprises.
C’est le cas notamment à Morges, où chaque propriétaire qui possède une place pour son bateau peut se considérer comme chanceux. En effet, la concurrence est rude, avec 677 navigateurs – un chiffre légèrement en hausse – qui se retrouvent en liste d’attente. Au total, Morges possède 825 emplacements dans l’eau et un peu moins de 200 à terre. Une offre importante, mais insuffisante pour contenter la population morgienne, qui doit attendre en moyenne entre six et quinze ans pour obtenir un sésame. Les prix vont de 500 à 3000 fr. maximum par année, selon la taille du bateau. Les habitants de Morges et Préverenges bénéficient d’un rabais de 50%.
La copropriété comme alternative
Ce marché aurait pu attirer des spéculateurs, comme à Genève. Les autorités assurent que non. «Dans le canton de Vaud, il existe peu de situations litigieuses car seules les communes ont l’autorisation de remettre une place à quelqu’un pour éviter qu’on ne se retrouve avec des transactions exorbitantes, assure Alain Jaccard, chargé de l’attribution des emplacements morgiens. Il est par exemple interdit de vendre son bateau directement avec la place d’amarrage.»
Dans le cas où certains propriétaires voudraient passer outre, le contrat peut être rompu immédiatement. Les habitants des villes ou villages lacustres, puis dans un second temps ceux du district, sont favorisés au moment de l’affectation, du fait que leurs impôts contribuent directement à la mise à disposition du port. «On se bat pour garder une bonne représentativité en conservant un nombre de places constant pour les habitants des villages avoisinants», rassure le chef de service.
Pour satisfaire le plus grand nombre de navigateurs, un système de coopérative permet de partager une place avec deux autres matelots avant d’obtenir un espace rien que pour soi. «Ce fonctionnement permet à un navigateur qui n’a pas encore d’emplacement de se mettre dans la liste d’attente et de pouvoir sortir sur le lac tout en patientant», dit-il.
Il est fortement conseillé aux futurs acquéreurs de figurer sur la fameuse liste depuis un certain temps pour avoir plus de chances de reprendre un espace de location. «On dit qu’il y a une durée d’attente minimale de huit ans. Ensuite, on essaie de procéder de manière intelligente pour satisfaire tout le monde», confirme celui qui travaille pour les services industriels.
L’exception des ports privés
S’il est strictement interdit de se refiler une place entre deux navigateurs, les ports privés font exception. Le port de la Pichette – positionné à moitié sur les communes de Corseaux et Chardonne en Lavaux – fonctionne de cette manière. Depuis 1999, le site est exploité par la Société coopérative Pichette Est (Scope), qui loue une concession pour encore trente-cinq années aux deux communes, afin de pouvoir exploiter les 398 places comme bon lui semble.
Le fonctionnement de ce fief privé permet par exemple la remise d’un emplacement, d’un navigateur à un autre, sans trop de contraintes. «La seule chose que nous vérifions, c’est que les prix correspondent à nos tarifs, précise le garde-port, Marco Arnaud. Chaque année, les prix diminuent car, en réalité, les candidats n’achètent pas la place mais la louent, et doivent respecter les tarifs décroissants à cause de la concession qui prendra fin dans trente-cinq ans.» En moyenne, les montants varient fortement, en fonction de l’envergure du bateau, de 17000 fr. pour un bateau de 5 mètres à 65000 pour un 13 mètres.
Et en Valais?
Le fonctionnement du port du Bouveret, en Valais, ressemble à celui de Morges. La commune de Port-Valais gère les 632 emplacements et compte aussi une liste d’attente séparée en trois compartiments. Le premier est composé de 80 «prioritaires» – propriétaires ou habitants de la commune – qui sont théoriquement servis en deux ans. Les quelque 200 autres Valaisans en attente patienteront une dizaine d’années avant d’y installer leur bien. Le reste des pensionnaires de la liste, résidents en dehors du Valais, doivent se montrer patients pendant plus de dix ans. ■