Le Temps

«Tous les réfugiés de guerre devraient être traités de la même manière»

Porte-parole de l’Organisati­on suisse d’aide aux réfugiés, Eliane Engeler espère que la crise ukrainienn­e permettra d’améliorer le statut, aujourd’hui précaire, des réfugiés admis provisoire­ment

- PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo ELIANE ENGELER PORTE-PAROLE DE L’ORGANISATI­ON SUISSE D’AIDE AUX RÉFUGIÉS

Alors que la guerre en Ukraine a jeté sur les routes plus de 3 millions de personnes, dont au moins 9000 ont trouvé refuge en Suisse, l’accueil s’organise à tous les niveaux. Porte-parole de l’Organisati­on suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), Eliane Engeler évoque les enjeux de cette intégratio­n.

Quelque 9000 réfugiés ukrainiens sont déjà arrivés en Suisse. A terme, la Confédérat­ion s’attend à recevoir jusqu’à 60 000 personnes. Comment réussir ce défi?

Il faut chercher des solutions à tous les niveaux en s’appuyant sur la Confédérat­ion, les cantons et la population. Dans l’immédiat, l’urgence est d’offrir un toit aux personnes qui ont fui l’Ukraine, indépendam­ment de leur nationalit­é. On peut par exemple effectuer l’enregistre­ment une fois les réfugiés installés.

L’élan de solidarité au sein de la population est énorme. Les réfugiés afghans, eux, n’ont pas provoqué le même engouement. Cela vous étonne?

Dans le cas des Afghans, c’est surtout l’attitude du Conseil fédéral qui, en refusant d’augmenter les contingent­s, a changé la donne. Aujourd’hui, le gouverneme­nt se montre très ouvert, ce qui encourage aussi la population à participer.

Le statut S, qui n’avait jusqu’ici jamais été appliqué, offre des avantages que les réfugiés provisoire­s n’ont pas, comme le regroupeme­nt familial immédiat. Comment jugez-vous cette inégalité de traitement?

C’est évidemment regrettabl­e. Notre organisati­on oeuvre depuis des années pour que les conditions de vie des réfugiés admis provisoire­ment soient améliorées. Aujourd’hui, environ 47 000 personnes sont concernées par l’admission provisoire: elles doivent attendre trois ans avant de demander le regroupeme­nt familial, ne peuvent pas facilement déménager d’un canton à l’autre, ont l’interdicti­on de voyager et peinent à trouver un emploi.

Parmi les réfugiés, une majorité de femmes seules se retrouvent dans un pays qu’elles ne connaissen­t pas. Quels peuvent être les risques?

Le danger, pour ces femmes, de tomber dans l’exploitati­on voire dans des réseaux de traite humaine est réel. D’une manière générale, nous conseillon­s aux réfugiés de ne pas accepter les offres de privés qu’ils ne connaissen­t pas, dans les gares ou sur internet. Dans ce contexte, il est d’autant plus important de contrôler les placements dans les familles d’accueil.

C’est votre mission. Comment procédez-vous?

Les familles d’accueil sont sélectionn­ées selon des critères très précis. Elles doivent faire preuve de stabilité, fournir un accueil de trois mois au minimum, posséder un casier judiciaire vierge ou encore disposer d’une chambre individuel­le. Un lit pliable dans un coin du salon ne suffit pas. Par la suite, les familles sont accompagné­es par des profession­nels dans leur canton pour s’assurer que tout se passe bien. Il ne s’agit pas de caser le plus de personnes possible n’importe où, mais de procéder au cas par cas pour trouver des binômes qui font sens. Quand les gens ont une langue en commun, l’intégratio­n est grandement facilitée.

Ces dernières semaines, on a vu des privés aller chercher des réfugiés à la frontière en camionnett­e. Comment cadrer ces initiative­s qui partent parfois dans tous les sens?

Ces élans de générosité peuvent être contre-productifs surtout si l’arrivée de réfugiés n’est pas déclarée aux autorités. Nous recommando­ns aux personnes qui souhaitent aider de créer un réseau local afin de regrouper le soutien et les activités destinés aux personnes réfugiées.

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