«Tous les réfugiés de guerre devraient être traités de la même manière»
Porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, Eliane Engeler espère que la crise ukrainienne permettra d’améliorer le statut, aujourd’hui précaire, des réfugiés admis provisoirement
Alors que la guerre en Ukraine a jeté sur les routes plus de 3 millions de personnes, dont au moins 9000 ont trouvé refuge en Suisse, l’accueil s’organise à tous les niveaux. Porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), Eliane Engeler évoque les enjeux de cette intégration.
Quelque 9000 réfugiés ukrainiens sont déjà arrivés en Suisse. A terme, la Confédération s’attend à recevoir jusqu’à 60 000 personnes. Comment réussir ce défi?
Il faut chercher des solutions à tous les niveaux en s’appuyant sur la Confédération, les cantons et la population. Dans l’immédiat, l’urgence est d’offrir un toit aux personnes qui ont fui l’Ukraine, indépendamment de leur nationalité. On peut par exemple effectuer l’enregistrement une fois les réfugiés installés.
L’élan de solidarité au sein de la population est énorme. Les réfugiés afghans, eux, n’ont pas provoqué le même engouement. Cela vous étonne?
Dans le cas des Afghans, c’est surtout l’attitude du Conseil fédéral qui, en refusant d’augmenter les contingents, a changé la donne. Aujourd’hui, le gouvernement se montre très ouvert, ce qui encourage aussi la population à participer.
Le statut S, qui n’avait jusqu’ici jamais été appliqué, offre des avantages que les réfugiés provisoires n’ont pas, comme le regroupement familial immédiat. Comment jugez-vous cette inégalité de traitement?
C’est évidemment regrettable. Notre organisation oeuvre depuis des années pour que les conditions de vie des réfugiés admis provisoirement soient améliorées. Aujourd’hui, environ 47 000 personnes sont concernées par l’admission provisoire: elles doivent attendre trois ans avant de demander le regroupement familial, ne peuvent pas facilement déménager d’un canton à l’autre, ont l’interdiction de voyager et peinent à trouver un emploi.
Parmi les réfugiés, une majorité de femmes seules se retrouvent dans un pays qu’elles ne connaissent pas. Quels peuvent être les risques?
Le danger, pour ces femmes, de tomber dans l’exploitation voire dans des réseaux de traite humaine est réel. D’une manière générale, nous conseillons aux réfugiés de ne pas accepter les offres de privés qu’ils ne connaissent pas, dans les gares ou sur internet. Dans ce contexte, il est d’autant plus important de contrôler les placements dans les familles d’accueil.
C’est votre mission. Comment procédez-vous?
Les familles d’accueil sont sélectionnées selon des critères très précis. Elles doivent faire preuve de stabilité, fournir un accueil de trois mois au minimum, posséder un casier judiciaire vierge ou encore disposer d’une chambre individuelle. Un lit pliable dans un coin du salon ne suffit pas. Par la suite, les familles sont accompagnées par des professionnels dans leur canton pour s’assurer que tout se passe bien. Il ne s’agit pas de caser le plus de personnes possible n’importe où, mais de procéder au cas par cas pour trouver des binômes qui font sens. Quand les gens ont une langue en commun, l’intégration est grandement facilitée.
Ces dernières semaines, on a vu des privés aller chercher des réfugiés à la frontière en camionnette. Comment cadrer ces initiatives qui partent parfois dans tous les sens?
Ces élans de générosité peuvent être contre-productifs surtout si l’arrivée de réfugiés n’est pas déclarée aux autorités. Nous recommandons aux personnes qui souhaitent aider de créer un réseau local afin de regrouper le soutien et les activités destinés aux personnes réfugiées.
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