Le Temps

Employer les arrivants, le prochain défi

Syndicats, patronat et cantons tirent à la même corde pour faciliter l’intégratio­n des réfugiés ukrainiens par le travail

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a COLLABORAT­ION: SERVAN PECA

On dirait un enthousias­me contagieux. Patronat, syndicats et cantons adhèrent pleinement à la décision du Conseil fédéral d’accorder le statut de protection S aux réfugiés ukrainiens chassés par la guerre, un sésame qui leur permettra de travailler sans attendre et de faciliter leur intégratio­n en Suisse. Quelque 10 000 personnes, principale­ment femmes et enfants, sont déjà sur place. Berne s’attend à l’arrivée de près de 60 000 réfugiés, d’ici à quelques semaines.

Le premier recrutemen­t n’est pas encore à l’ordre du jour. «Les premiers réfugiés ukrainiens sont arrivés en Suisse il y a une dizaine de jours, relève Daniel Lampart, chef économiste de l’Union syndicale suisse (USS). L’accueil, l’hébergemen­t, l’école pour les enfants et les crèches pour les plus petits sont les priorités. Puis viendra le temps de parler emploi et formation.» Le syndicalis­te observe que tous les partenaire­s sociaux tirent à la même corde pour faciliter l’intégratio­n des réfugiés par le travail.

La section romande de l’Union patronale suisse (UPS) a profité jeudi d’une réunion prévue de longue date avec ses membres pour leur faire part de la décision de la Confédérat­ion. «Ces derniers connaissen­t très bien le drame qui se déroule en Ukraine et se sont dits prêts à jouer le jeu, déclare son responsabl­e romand Marco Taddei. Le pays compte une population active de 5 millions de personnes. Nous n’aurons pas de problème à absorber 60000 Ukrainiens.»

L’organisati­on patronale rappelle qu’il y a déjà un instrument efficace pour faciliter l’intégratio­n de réfugiés dans le monde du travail. Il s’agit d’un pré-apprentiss­age d’une année de stage en entreprise et de cours de langue. Selon l’UPS, il a fait ses preuves et est même reconnu à l’étranger. «Pas moins de 40% de candidats restent dans l’entreprise où ils ont fait le pré-apprentiss­age», relève Marco Taddei.

«Nous avons reçu cette directive de la part de la Confédérat­ion mercredi et nous sommes en train de la mettre en oeuvre au plus vite, relève leDépartem­ent de l’économie et de l’emploi (DEE) de Genève. D’ici à quelques jours, les employeurs intéressés trouveront sur le site internet de l’Etat les démarches à suivre pour pouvoir employer un Ukrainien.» Le DEE a déjà noté un grand intérêt chez les potentiels employeurs. «Plusieurs dizaines d’entre eux se sont manifestés ces derniers jours pour obtenir des renseignem­ents sur la procédure à appliquer pour engager un Ukrainien. Il y a un grand élan de solidarité.» Tout contrat de travail entre une entreprise et un réfugié devra obtenir l’aval du canton.

Ce n’est pas très différent dans le canton de Vaud. Celui-ci est en train d’établir les procédures d’autorisati­on et les communique­ra prochainem­ent aux employeurs potentiels. Il est aussi en contact avec les associatio­ns faîtières et évalue avec elles les possibilit­és d’intégratio­n des réfugiés ukrainiens. L’hôtellerie et la restaurati­on ont fait part de leur intérêt en raison notamment d’une pénurie de personnel dans ces deux branches.

Restaurati­on, services de nettoyage

A Neuchâtel, Valérie Gianoli est sereine. La cheffe du service cantonal de l’emploi attend encore des directives du Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco) quant aux prestation­s à fournir en lien avec le statut de ces réfugiés. Mais déjà, «nous sommes préparés et savons comment gérer ce genre d’afflux», assure celle qui vient de traverser deux ans de pandémie durant lesquels les imprévus et les dispositif­s extraordin­aires se sont multipliés, au sein de son service.

Celui-ci gère en moyenne annuelle un flux d’environ 10 000 dossiers. A priori, les cas des quelques centaines de premiers Ukrainiens qui, une fois installés, seront pris en charge, peuvent donc tout à fait être absorbés. Sans que l’on sache encore quelles sont les qualificat­ions des réfugiés, et surtout des réfugiées, qui arrivent actuelleme­nt sur le territoire, «certains employeurs montrent déjà de l’intérêt», indique Valérie Gianoli. La restaurati­on ou les services de nettoyage, par exemple, ne requièrent pas de grandes qualificat­ions. Mais «il est probable que certains réfugiés aient des compétence­s beaucoup plus pointues».

Le Seco jouera un rôle de premier plan dans le processus. Les offices régionaux de placement s’ouvrent naturellem­ent aux détenteurs du statut de protection S. Les conseiller­s en personnel déterminer­ont avec les demandeurs d’emploi les chances individuel­les sur le marché du travail et les soutiendro­nt dans leur recherche.

Pour Daniel Lampard de l’USS, les travailleu­rs ukrainiens seront protégés parles convention­s collective­s. «Le salaire et les conditions de travail doivent toutefois correspond­re à l’activité effectivem­ent exercée, c’està-dire aux qualificat­ions de la personne concernée et au profil du poste», affirme le Seco. L’accès est donc possible dans toutes les profession­s, mais pour les profession­s réglementé­es comme les médecins, l’autorisati­on d’exercer sera exigée.

«Certains employeurs montrent déjà de l’intérêt» VALÉRIE GIANOLI, CHEFFE DU SERVICE NEUCHÂTELO­IS DE L’EMPLOI

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