La Suisse, un pays sur lequel on peut compter
Loffensive brutale de la Russie à l’encontre de l’Ukraine sonne le glas d’une ère: depuis la Deuxième Guerre mondiale, aucun pays souverain et démocratique n’avait subi d’attaque sur notre continent. Du jour au lendemain, l’extrémité Est de l’Europe s’est transformée en poudrière. Les conséquences sont terribles pour la vie des femmes et des hommes sur sol ukrainien, mais aussi pour le peuple russe, l’Europe et jusque dans les pays les plus pauvres désormais menacés de famine car privés du blé russe et ukrainien. Alors que la confrontation entre démocratie et barbarie atteint des sommets, le monde libre réagit avec une impressionnante cohésion. Pour le Conseil fédéral, la situation est claire: la Suisse ne peut pas tolérer cette guerre sans réagir, elle n’en a pas le droit, elle doit prendre position. Par la voie de sanctions, par l’envoi de biens de premiers secours, par des initiatives diplomatiques, et enfin par une réponse à la hauteur du destin tragique de millions de réfugiés, faisant ainsi écho à la solidarité extraordinaire dont font preuve d’innombrables Suisses et Suissesses. C’est là l’expression concrète de notre tradition humanitaire.
Cette guerre est mue par une folie dévastatrice qui fait voler en éclats tous les principes et les valeurs de notre civilisation. C’est pourquoi le Conseil fédéral a adopté dans leur intégralité les sanctions de l’UE. Cette décision ferme a été prise dans le strict respect du droit de la neutralité. Cela signifie que la Suisse ne soutient aucun belligérant sur le plan militaire, que ce soit par la mise à disposition de troupes ou par l’envoi d’armes. La politique de neutralité, quant à elle, ne constitue pas un dogme, elle est un instrument flexible de notre politique extérieure et de notre politique de sécurité. Intimement lié à la notion de solidarité ainsi qu’à nos valeurs, cet instrument est axé non seulement sur nos intérêts en tant que pays neutre, mais aussi sur les intérêts de la communauté internationale. Il existe donc une marge de manoeuvre. Neutralité ne signifie pas indifférence. La Russie a massivement violé l’interdiction du recours à la force, un principe ancré dans le droit international. En restant inactive, la Suisse aurait fait le jeu de l’agresseur. C’est sur ce critère que s’est fondé le Conseil fédéral pour prendre ses décisions.
Une fois les armes déposées, viendra le temps de l’après. L’Histoire nous l’apprend. Afin de tendre vers une issue pacifique, la Suisse met à disposition des belligérants et des organisations internationales sa diplomatie et ses bons offices. Il s’agit là d’un pilier de notre politique extérieure, au même titre que la défense des intérêts de notre pays. Nous devons donc, avec toute la modestie d’un petit Etat comme le nôtre, nous mobiliser aux côtés des acteurs de la politique mondiale de sécurité afin de trouver des solutions à ce terrible conflit. Nous pouvons notamment jouer un rôle de médiateur. Tout en soutenant les sanctions de manière solidaire, nous pouvons ouvrir la voie au dialogue, proposer des solutions, encourager cette voie diplomatique qui a fait notre réputation dans le monde entier.
Cette guerre plonge dans une détresse insoutenable les réfugiés, principalement des femmes et des enfants. Ce n’est qu’ensemble, en mettant en commun nos efforts, que l’Occident pourra relever ce défi. La Suisse a un rôle important à jouer, notamment en maintenant à long terme ses capacités d’accueil et d’intégration. C’est pourquoi nous avons activé le statut de protection S, afin d’accorder une protection aux réfugiés ukrainiens, rapidement et sans complication. Ceux-ci pourront ainsi trouver un soutien au sein de la population. Ils pourront aussi, espérons-le, redonner un sens à leur vie. Personne ne sait combien de temps durera la guerre, ni quand un retour au pays sera possible. Ce qui est sûr, c’est que des projets de reconstruction feront également partie de notre réponse face au destin tragique des réfugiés.
Ce conflit nous bouleverse. Il impacte notre quotidien, et ses conséquences se ressentent jusque dans les entreprises et les ménages. La Suisse n’est certes pas directement touchée, comme elle l’a été par le coronavirus. Mais cette fois encore, il est impossible de prévoir pour combien de temps et à quel point elle sera affectée, ni les domaines qui seront les plus touchés. Il est cependant possible d’avancer trois conséquences vraisemblables sur le plan économique:
• Il faudra compter sur des effets à long terme. La dépendance à l’égard du pétrole, du gaz et autres matières premières russes pèse lourd du point de vue géopolitique. Cette situation impactera la Suisse, mais dans une moindre mesure.
• Nous serons confrontés à une inflation et une hausse des prix de l’énergie d’une manière durable et sensible.
• Le franc restera une valeur refuge et pénalisera les exportations. Force est de constater qu’il n’existe pas de solution qui, d’un coup de baguette magique, préserverait la Suisse des conséquences découlant de la situation actuelle. Même si, pour l’heure, il n’est pas question de fléchissement de la conjoncture voire de crise économique, il incombe au Conseil fédéral de créer, en collaboration avec les cantons, les meilleures conditions-cadres pour limiter les dommages et les difficultés, faire face à l’afflux de réfugiés et garantir la stabilité financière. Le 24 février, la face du monde a changé, et pas de la meilleure manière. Il nous faut défendre vaillamment et sans relâche la liberté et la démocratie. Cela a un prix. Un prix que la Suisse est prête à assumer.
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«La Suisse ne peut pas tolérer cette guerre sans réagir, elle n’en a pas le droit, elle doit prendre position»