L’ordinateur refermé, on est seul

La guerre en Europe. Un terme que j’entends souvent, en tout cas le mardi matin de 10h10 à 11h45, pendant mes cours d’histoire. En ce moment, c’est la Seconde Guerre mondiale. En substance: un fou furieux qui, rongé par la rancoeur et la haine, a décidé de reprendre ce qu’il estimait lui appartenir de droit. «L’histoire se répète sous nos yeux!» Certains arguent que non, les circonstances ne sont pas les mêmes, il ne faut pas tout mélanger.

En attendant une réponse qui ne viendra qu’avec les faits, je me balade sur Instagram. Ça y crie dans tous les sens, on voit des drapeaux ukrainiens et des larmes virtuelles, des gens énervés par cette épidémie de «mort-kilométrique» et de racisme intériorisé qui pousse certains au classement des réfugiés sur l’échelle de leur supposée qualité.

Reste qu’une fois l’ordinateur refermé, on est seul avec sa conscience. Moi, j’ai beaucoup d’images dans la tête. La première qui me vient, c’est ma mère qui, l’autre jour, arrive dans ma chambre avec les fameuses boîtes d’iode que nous avions reçues il y a quelques années. «Regarde Noémie, j’ai bien cru qu’on les avait perdues! Maintenant on est parés!» Dans un autre contexte, ce serait presque drôle. On a peur, on se sent menacés, mais… pas vraiment. On se dit que c’est loin. Et puis voilà, je pense aussi à cette femme enceinte sortie des ruines de l’Hôpital de Mariopoul sur un brancard de fortune, et qui a finalement quitté la maternité sans rien: ni bébé ni vie. Et je songe à nouveau à ma maman qui me sourit tristement avec ses pastilles d’iode dans les mains.

Au final, c’est si loin que ça? Je me sens dépassée par toutes ces nouvelles qui fusent, ces termes barbares qu’on ne devrait pouvoir trouver que dans les dystopies. C’est plus fort que moi, j’ai envie de me complaire dans ma petitesse, mon insignifiance. D’écouter cette voix intérieure qui me dit que de toute façon on n’y peut rien, que notre avenir n’est même pas entre nos mains et ne l’a jamais vraiment été.

NOÉMIE CHARMOY, 17 ANS, GRANDCOUR (VD)