Le Temps

Pourquoi cette ignorance inconscien­te de la souffrance de l’autre?

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La guerre est partout, désormais. Impossible de l’ignorer, elle est là dès qu’on allume la télévision ou la radio, dès qu’on ouvre un journal. Même le bâtiment communal de mon village a hissé le drapeau ukrainien. La guerre nous a frappés, violemment, sans prévenir, comme si elle nous avait surpris de par son existence.

Cependant, elle n’était auparavant inexistant­e qu’à nos yeux, nous qui avions décidé bien plus tôt de nous les bander et de faire la sourde oreille face aux lamentatio­ns et aux appels à l’aide venant d’Afrique ou d’Asie. Toutes ces souffrance­s ne méritent-elles pas autant de compassion et de soutien que celles des Ukrainiens? La guerre n’épargne personne, elle est impitoyabl­e et cruelle indépendam­ment du lieu auquel elle nuit. Les victimes, qu’elles soient tchadienne­s, syriennes, ukrainienn­es ou afghanes, ont vécu les mêmes séparation­s, les mêmes insomnies sous les bombardeme­nts, ont versé les mêmes larmes et le même sang. Dans une situation de guerre, nous sommes égaux face à la misère.

Ainsi, pourquoi cette ignorance inconscien­te de la souffrance de l’autre, de celui qui vit hors d’Europe et d’Occident? Pourquoi ne se soucie-t-on pas des malheurs d’ailleurs dans le monde, vécus par des humains tout aussi humains que nous? Les témoins ne sont pourtant pas bien loin: les réfugiés sont bel et bien là, mais personne ne se soucie de leur histoire, de leur situation et de la santé de leur famille. On préfère bien souvent les laisser en marge de la société, seuls et sans arme, sous le feu non plus des projectile­s mais des critiques et des regards haineux de ceux qui refusent de comprendre la souffrance de leur passé, mais aussi de leur présent.

La guerre détruit tout sur son passage, elle détruit la vie entière de ceux qui en sont victimes, car même une fois qu’ils sont éloignés d’elle, elle continue à les poursuivre à travers la malédictio­n qu’elle a jetée sur eux; la malédictio­n d’être partout étrangers, même à ce qui était autrefois leur patrie.

OTHILIE CERF, 17 ANS, FONTENAIS (JU)

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