Au-delà des images, un temps pour la justice
Des images «épouvantables». Ce sont les mots de l’ambassadrice britannique Barbara Woodward à la suite de la diffusion de photos de victimes par Volodymyr Zelensky, mardi devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Le président ukrainien a misé sur une communication choc pour mobiliser une communauté internationale qu’il juge bien trop tiède dans sa réponse à Vladimir Poutine.
Les corps éparpillés dans Boutcha, ses fosses communes, la mère récemment évacuée sur un brancard à Marioupol, qui, plus tard, mourait avec son nouveau-né: comme dans toutes les guerres depuis la naissance de la photographie, la douleur des Ukrainiens est indicible, mais visible. Les images permettent ainsi d’appréhender un peu mieux la réalité de villes comme Marioupol ou Boutcha. La première a «dépassé le stade de la catastrophe humanitaire», selon son maire, tandis que la seconde détient pour l’heure le sinistre record du plus grand nombre de morts par rapport à la population totale.
L’image mobilise, émeut, scandalise. Elle peut aussi devenir un précieux témoin du crime. On pense à César, cet ancien photographe militaire syrien dont les 45 000 clichés ont représenté un faisceau de preuves unique devant les tribunaux. Mais qu’on n’oublie pas Timisoara… A la fin de l’année 1989, la presse internationale se faisait l’écho de l’existence de charniers contenant 4630 victimes dans cette ville, preuve de la répression sanglante du soulèvement contre Nicolae Ceausescu. Bien avant l’ère des fake news, on avait découvert ensuite qu’il s’agissait en fait de personnes mortes avant les événements, puis sorties de terre dans une macabre mise en scène.
La prolifération de clichés et d’informations venus d’Ukraine ne doit cependant pas nous faire oublier cette phrase attribuée à Rudyard Kipling, pour qui «la première victime d’une guerre, c’est la vérité». Leurs souffrances, les Ukrainiens doivent pouvoir les amener bien plus loin que sur nos petits écrans ou ceux, plus grands, du Conseil de sécurité des Nations unies: elles doivent être portées devant une cour de justice, pour que la vérité puisse être établie. Une vérité qui nécessite un temps et une patience aux antipodes de l’immédiateté promise par nos smartphones saturés.
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«La première victime d’une guerre, c’est la vérité»