Inégalités directes hommesfemmes: vers le bout du tunnel
La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats a pris cette semaine trois décisions réjouissantes en matière d’inégalités formelles entre femmes et hommes. Malgré leur caractère anticonstitutionnel, des inégalités dans la loi subsistent, comme l’a démontré l’avis de droit du Pr. Dupont publié par le Conseil fédéral en décembre dernier. Alors, est-ce enfin le bout du tunnel? Hélas, pas encore. Si la plupart des inégalités dans les lois se justifient par des motifs objectifs (biologiques, fonctionnels), quelques bizarreries subsistent.
Ces inégalités-là sont les témoins d’un temps révolu, celui où le législateur avait une conception des rôles qui n’est plus celle d’aujourd’hui. C’est le cas de la rente de veuve et de veuf dans l’AVS, dont les conditions d’octroi sont plus favorables aux femmes qu’aux hommes. Un veuf ne reçoit de rente que jusqu’au dix-huitième anniversaire de son dernier enfant, contrairement à une veuve qui la reçoit sa vie durant. A l’époque, on se référait à un système traditionnel basé sur le seul revenu de l’homme au sein de la famille.
Jugée inacceptable par la Cour européenne des droits de l’homme, l’inégalité entre veuves et veufs devrait bientôt disparaître. Tout comme devrait disparaître l’obligation de servir réservée aux hommes. A l’heure où l’on actionne des armes à distance par ordinateur, les considérations ancestrales basées sur les différences biologiques entre femmes et hommes ne sont plus toujours adéquates. Le Département de la défense réfléchit à un service citoyen obligatoire pour toutes et tous depuis plusieurs années, même si la motivation égalitaire semble être moins à l’ordre du jour que celle de devoir faire face à la perte d’attractivité du mal aimé service militaire. Il n’est pas sûr que cette obligation de servir soit bien accueillie par ceux et celles qui justifient une inégalité formelle – l’âge légal de la retraite des femmes plus bas – par des inégalités de fait observées dans d’autres domaines, comme la discrimination salariale ou le travail de care gratuit des femmes.
Revenons aux décisions de la Commission: elles concernent le travail de care
fourni par les proches aidants et l’égalité de traitement dans les allocations pour perte de gain APG. Le travail gratuit fourni par les parents d’enfants ou les enfants adultes de parents âgés ou malades devrait être mieux reconnu via un assouplissement du système des bonifications de l’AVS. La Commission s’est aussi ralliée au principe que maternité et service militaire doivent être mis sur pied d’égalité en matière d’APG. Il paraît évident qu’une mère ait droit aux allocations pour enfant, pour frais de garde ou d’exploitation (surtout pour les indépendantes), comme c’est le cas de ceux et celles qui se rendent sous les drapeaux. Le plafond des allocations de maternité devrait être relevé à celui des allocations pour service militaire et passer de 196 francs à 245 francs.
Ne pas vouloir remettre en cause la volonté du législateur ne fait pas partie des raisons objectives acceptables pour justifier des inégalités formelles. Et pourtant: alors que le gouvernement admet que le congé maternité sert, en plus des motifs de santé, à développer la relation mère-enfant, il refuse la même chose au père. Pire, le père ne bénéficie d’aucune protection contre le licenciement pendant les six mois durant lesquels il peut faire valoir son droit au congé paternité, alors que la mère est protégée dès le premier jour de sa grossesse et pendant seize semaines après l’accouchement. Harmoniser – à la hausse – ces délais de protection, c’est mettre fin à cette inégalité directe et, par effet domino, à la discrimination dont souffrent de nombreuses mères sur le marché du travail.
La Commission a vu juste avec ces trois décisions. Avec courage et cohérence, le parlement pourra s’attaquer à toutes les erreurs qu’il a commises avant-hier comme hier. Et on sortira enfin du tunnel.
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Pour s’y retrouver dans les dispositions juridiques relatives à la maternité en emploi, Travail.Suisse a revu entièrement le site www.mamagenda.ch.