«La ville de Zurich travaille à plein régime»
Proche de la frontière est, la plus grande cité du pays accueille environ 10% des exilés ukrainiens arrivant sur sol suisse. Sous une pression grandissante, elle appelle à la solidarité
«La première famille en provenance d'Ukraine est arrivée deux jours après le début de la guerre, indique Raphael Golta, municipal zurichois chargé des services sociaux. Depuis, cela n'a cessé d'augmenter et, la semaine dernière, ils étaient près de 2000 à transiter par la gare centrale.» Face aux médias, Raphael Golta, Corine Mauch (maire) et Filippo Leutenegger (chargé de l'éducation de la ville) affichent une mine détendue. Derrière les sourires, les édiles ne cachent cependant pas une légère crispation. Car Zurich en fait beaucoup, soulignent-ils. Sans avoir l'impression d'être particulièrement soutenue par les autres.
A deux doigts d’atteindre le contingent
Les dernières statistiques du SEM (Secrétariat d'Etat aux migrations) annonçaient ce mardi 25 000 réfugiés ukrainiens en Suisse. L'écrasante majorité d'entre eux pénètre dans le pays par la frontière orientale et se dirige vers la première grande ville: Zurich. Certes pas toujours pour y rester: des 1850 réfugiés arrivés à la gare la semaine dernière, détaille Corine Mauch, «1000 ont continué le voyage, 670 ont été transférés au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM, dont l'un des six centres fédéraux est situé en plein centre de Zurich), et 230 ont été logés dans des espaces de la ville.» Zurich continue cependant d'être soumise à une forte pression, souligne l'exécutif. Sans répit en vue.
«Actuellement, détaille Raphael Golta, quatre centres (dont une salle de gym, un espace hospitalier et deux abris de la protection civile) mettent à disposition 600 places. Ils sont pleins à plus de 80%. Trois autres abris devraient pouvoir accueillir près de 400 personnes supplémentaires dans de brefs délais et nous espérons pouvoir loger 600 personnes dans des hôtels. Nous sommes en recherche constante de nouveaux espaces. Nous faisons notre maximum. Mais il serait bien que d'autres cantons et communes nous épaulent.» En tout, 1700 réfugiés sont actuellement hébergés à Zurich (600 par la ville, 500 par des privés, 600 dans des hôtels).
Il ne s'agit cependant que d'une estimation, indiquent les trois municipaux. Et, comme près de 500 réfugiés sont aussi logés au centre d'asile fédéral de Zurich, pas moins de 2500 Ukrainiens pourraient se trouver en ville à l'heure actuelle. Une clé de répartition cantonale prévoit bien que le nombre de requérants d'asile ne dépasse pas 0,5% de la population communale, «ce que Zurich a pratiquement atteint», souligne Raphael Golta. Mais elle ne fonctionne pas très bien, glisse une collaboratrice de la municipalité. Comparé aux dernières vagues de migration, il est évidemment complexe de suivre les Ukrainiens, qui sont beaucoup et se déplacent à leur guise dans l'espace Schengen.
Reste que la ville tape du poing sur la table. «On a parfois l'impression que les autres communes du canton ne prennent pas bien la mesure de ce qu'il se passe, estime Raphael Golta. Davantage de capacités doivent être mobilisées en dehors de Zurich.» Au-delà des critiques adressées à son canton, le gouvernement de la ville ne se prive pas de tacler la Confédération, en rappelant que «la ville a accueilli beaucoup de gens en raison du manque de structure du SEM au début de la crise». Et qu'elle continue de fournir une aide substantielle. Notamment dans l'accueil des arrivés à la gare centrale.
Le logement n'est par ailleurs pas la seule inquiétude des bords de la Limmat: «Deux cents enfants ont été intégrés dans des écoles zurichoises, détaille Filippo Leutenegger. Nous avons mobilisé à tout va pour trouver des personnes acceptant de les aider en classe. Des professeurs à la retraite notamment. La situation est sous contrôle, mais les chiffres augmentent très rapidement.» L'exécutif de la ville fournit également trois repas par jour à des centaines de personnes, il a distribué des bons d'achat pour des produits de première nécessité à hauteur de 25 000 francs et emploie 34 nouvelles personnes pour gérer la coordination des opérations et l'action des volontaires.
Avec «340 astreints» engagés, la mobilisation de la «PC» zurichoise devance par ailleurs de très loin celle des autres régions du pays. A titre de comparaison, Genève indique avoir jusqu'ici engagé «une trentaine» de personnes, le Valais «15», Vaud «un effectif de dix personnes par jour» (bien que des missions aient épisodiquement mobilisé jusqu'à 80 personnes) et Berne «entre 10 et 20 personnes». «Zurich travaille à plein régime, conclut Corine Mauch. Mais vu les dernières images provenant d'Ukraine, la guerre pourrait durer encore longtemps.» Et la ville souhaite davantage de soutien pour en gérer les conséquences. ■
«Nous faisons notre maximum. Mais il serait bien que d’autres cantons et communes nous épaulent» RAPHAEL GOLTA, MUNICIPAL ZURICHOIS CHARGÉ DES SERVICES SOCIAUX