Le Temps

Antonio Hodgers se représente, avec le sens du récit

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Le ministre vert sortant brigue un troisième mandat au Conseil d’Etat, armé d’une vision davantage que d’un programme. Pour lui, c’est le récit collectif qui manque cruellemen­t à la politique

C’est à La Fraîche, un bistrot associatif du quartier de Saint-Jean, et à la cool, que le conseiller d’Etat genevois vert, Antonio Hodgers, a annoncé à la presse, mardi, qu’il brigue un troisième et dernier mandat aux élections de 2023. Il se présentera le 21 mai à la candidatur­e devant le congrès des Vert·e·s, dont la stratégie est de maintenir leurs deux sièges au gouverneme­nt. Voilà pour l’image: un conseiller d’Etat ouvert, sympa, à vélo, ancré dans la réalité urbaine. Un type normal.

Ce qui lui a joué des tours, d’ailleurs. Dernièreme­nt, la RTS a créé la polémique autour de photos immortalis­ant le ministre avec son épouse et leur dernier bébé, des images prêtées gratuiteme­nt à une boutique zurichoise pour sa publicité. Assumée, expliquée, cette affaire prouve néanmoins que la normalité, en politique, est plus difficile à endosser que le costume traditionn­el du pouvoir. Mieux vaut être solide pour faire la synthèse des deux. C’est peut-être le défi non verbalisé de ce qui sera sa huitième campagne électorale. Car de défis affichés, Antonio Hodgers n’en manque pas. Si, sur la forme, il aime sortir des clous, sur le fond en revanche, il nourrit une pensée ample et ambitieuse, basée sur un constat: le politique, le nez fourré dans les affaires courantes, manque cruellemen­t d’un récit collectif: «Notre rôle ne se résume pas à faire tourner la boutique administra­tive. Notre époque est celle des grandes incertitud­es, c’est la première fois depuis l’après-guerre que l’on se dit que nos enfants ne vivront pas mieux que les génération­s précédente­s. Cette réalité anxiogène est renforcée par la faiblesse du discours politique commun.»

Une écologie non punitive

Aussi propose-t-il rien de moins qu’une vision «un peu philosophi­que, je vous l’accorde», alliant les dimensions sociale, écologique, durable, mais viable économique­ment. Davantage qu’un programme.

Mais concrèteme­nt, comment cela se traduit-il? D’abord, allier le bâti et la nature et élaborer les plans localisés de quartier du secteur Praille-Acacias-Vernets (PAV). A la tête du Départemen­t du territoire dans un canton où poser la moindre pierre provoque une levée de boucliers, quand ce ne sont pas quelques arbres coupés qui conduisent à la guérilla, il sait que la route est longue. Mais il faut reconnaîtr­e qu’il aura fait construire 11 000 logements depuis 2018. Ensuite, sortir des énergies fossiles pour viser la neutralité carbone et réinvestir dans une économie locale. Antonio Hodgers est adepte d’une écologie non punitive.

Sur l’école aussi, il a son idée: redonner aux établissem­ents scolaires plus d’indépendan­ce, pour qu’ils puissent se déployer «dans un système moins cadrant que l’Etat de Genève actuel», tout en insistant sur la confiance à accorder aux enseignant­s. S’il assure ne pas lorgner ce départemen­t, les enseignant­s seront sans doute sensibles à cette propositio­n.

Les sortants verts Antonio Hodgers et Fabienne Fischer partiront sur une liste avec deux socialiste­s et éventuelle­ment un candidat d’extrême gauche. Si Antonio Hodgers est élu, il osera sans doute gouverner avec une indépendan­ce d’esprit qu’il commence à afficher. On le voit par exemple critique sur le wokisme, à travers des prises de position personnell­es peu raccord avec son parti. Est-il encore en phase avec lui? «Oui, sur le principe même qu’il faut lutter contre toutes les formes de discrimina­tions, répond la présidente des Vert·e·s genevois, Delphine Klopfenste­in. Notre parti est un lieu de débat.» On verra au mois de mai, où ce thème sera à l’agenda.

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