«Hive», le goût pimenté de l’indépendance
Dans le Kosovo d’après-guerre, quelques villageoises s’affranchissent de la tutelle masculine et des traditions en créant leur petite entreprise de sauce piquante
En français, Hive, c’est la ruche et, au début du film, Fahrije (Yllka Gashi) s’occupe précisément de ses abeilles. Mais le miel se vend mal. La ruche, c’est aussi une communauté active d’ouvrières autour d’une reine. C’est cette acception symbolique qui s’impose.
Poivron rouge
On est au Kosovo. La guerre est finie, le malheur s’attarde, les rancoeurs perdurent. Il ne faut pas pêcher et les enfants ne doivent pas jouer près de la rivière, elle a charrié trop de cadavres. Sans nouvelles de son mari, porté disparu comme tant d’autres, Fahrije est seule pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de son beau-père invalide. Fatiguée de tirer le diable par la queue, elle décide de prendre les choses en main. Son mouvement émancipateur impliquant quelques dommages collatéraux.
Fahrije commence par passer son permis de conduire. Puis elle fonde avec d’autres femmes seules ou veuves une coopérative agricole pour fabriquer et vendre de l’ajvar, ce délicieux condiment à base de poivron rouge, de piment et d’ail. Le produit est incontestablement savoureux, il se vend bien, mais, confite dans son veule sentiment de supériorité, l’engeance mâle renâcle: c’est quoi ces bonnes femmes qui s’affranchissent? Fahrije et ses consoeurs essuient insultes, menaces et bris de verre. C’est à l’honneur de la famille qu’elles attentent en gagnant leur vie! Quant au maraîcher sympathique qui fournit les piments, il pense avoir le droit de se payer en nature…
Souvenirs douloureux
Avec une grande économie de moyens et une vive sensibilité, avec des décors naturels et des comédiens non professionnels, avec Yllka Gashi, une actrice d’une rare intensité, qui a connu la guerre durant son enfance et investit cette douleur dans son personnage, Hive
fait ressentir les ravages de la guerre et incite à renverser une bonne fois pour toutes l’ordre patriarcal.
■ Hive, de Blerta Basholli (Kosovo, Suisse, Macédoine du Nord, Albanie, 2021), avec Yllka Gashi, Çun Lajçi, Aurita Agushi, Kumrije Hoxha, Adriana Matoshi, 1h24.