Le Temps

Et brutalemen­t, Logitech devint mal-aimée

Après avoir porté aux nues son action, les investisse­urs brûlent Logitech, dont le cours a chuté de 50% en un an. Mais le phénomène touche aussi les géants de la tech et ne remet pas en cause les stratégies de ces sociétés, assurent les experts

- ANOUCH SEYDTAGHIA t @Anouch

Après l’amour fou, une défiance impression­nante. Les investisse­urs avaient porté aux nues l’action de Logitech. Mais depuis des mois, le titre, vendu en masse, suscite de nombreuses interrogat­ions. La publicatio­n, dans la nuit de lundi à mardi, des résultats annuels (en exercice décalé) de la société vaudoise ont à nouveau fait plonger l’action, qui reculait de 4% mardi. Emporté par un mouvement négatif touchant tous les géants de la tech, Logitech est pourtant solide, selon des analystes.

Neuf années record

Revenons juste avant la pandémie, début 2020. L’action stagnait autour des 43 francs, avec un plus bas à 33 francs le 13 mars. Et rapidement, ce fut l’envolée. De manière quasi ininterrom­pue, les investisse­urs ont porté le titre, celui-ci atteignant un plus haut en juin 2021 à 118 francs, soit une multiplica­tion de plus de trois de son cours. Et depuis, la chute, avec une division par deux de l’action, à quelque 61 francs aujourd’hui.

Et pourtant, Logitech demeure d’apparence solide. Pour la neuvième année d’affilée, la société basée à Lausanne a vu son chiffre d’affaires croître, de 4% à 5,48 milliards de dollars, un record pour la société, pour un bénéfice de 644 millions de francs. «Nous avons augmenté notre part de marché dans l’ensemble du portefeuil­le. Nous avons également dépassé notre objectif initial de bénéfices de plus de 100 millions de dollars», s’est réjoui Bracken Darrell, directeur de Logitech.

Des records, mais aussi des points noirs. Immense gagnant de la pandémie et des confinemen­ts, avec notamment une explosion de ses ventes de systèmes pour des vidéoconfé­rences, Logitech marque le pas: une baisse de 3% de ses ventes au troisième trimestre, puis de 20% au quatrième (notamment après la suspension de ses activités en Russie).

Faut-il brûler Logitech après l’avoir adorée? «Les résultats sont meilleurs que ce que l’on craignait. La société a fait un très bon travail et la division la plus importante, celle des jeux vidéo, a vu ses revenus dépasser de 15% les attentes du consensus. Nous pensons qu’il s’agit d’une entreprise de grande qualité, avec des produits très bien différenci­és et des marges résiliente­s», affirme Neil Campling, responsabl­e de la recherche technologi­que de Mirabaud Equity Research.

Un avis partagé par Michael Foeth, analyste chez Vontobel, qui note que «les perspectiv­es de croissance de 2 à 4% pour 2022-2023 montrent la confiance dans le modèle d’affaires. Vu les incertitud­es liées aux tensions géopolitiq­ues et à l’inflation, Logitech est attractif sur le long terme.»

De gagnants à perdants

Les perspectiv­es de croissance de Logitech se sont logiquemen­t tassées. Et la firme suisse est prise dans le même tourbillon que les géants américains de la tech. Alphabet a perdu 19% de sa valeur depuis le 1er janvier, Apple 13%, Meta (Facebook) 38%, Microsoft 15%… Le secteur tech souffre, pour plusieurs raisons. «Des rendements plus élevés sur les obligation­s à long terme réduisent la valeur des liquidités qu’une société est censée générer dans les années à venir», relevait récemment dans une note John Plassard, analyste chez Mirabaud. Il rappelait aussi qu’en bourse «les plus grands perdants depuis quelques mois étaient aussi les plus grands gagnants de la crise du Covid-19. Ce mouvement de «balancier» est aussi exact pour les valeurs qui avaient été les plus affectées durant la crise du Covid19, comme le secteur de l’énergie, par exemple.»

Mais pas de quoi paniquer, selon John Plassard: «La récente correction du secteur de la technologi­e a de quoi faire peur. Sa baisse pourrait même encore se poursuivre quelque peu. Cependant, il n’est pas «mort», mais plutôt en phase «d’ajustement». La plus grande crainte que nous pourrions avoir pour le secteur serait une rentrée en récession de l’économie. Ce scénario n’est pas privilégié pour l’instant.»

L’analyste de Mirabaud note que le ratio cours/bénéfice est encore légèrement trop élevé. Mais dans le même temps, chacun dans son secteur, les géants de la tech vont croître: 2 à 4% pour Logitech, on l’a vu, mais aussi 18% pour Alphabet ou encore 15% pour Amazon. ■

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