L’UE s’achemine vers une interdiction totale du pétrole russe à la fin de l’année
La mesure a été présentée mercredi par Ursula von der Leyen dans un sixième paquet de sanctions contre la Russie et doit être approuvée par les Vingt-Sept. Les conséquences s’annoncent coûteuses mais l’UE semble prête à les assumer
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, l’a dit elle-même: un embargo même progressif sur le pétrole russe constitue une décision «difficile» et pourrait coûter cher à l’Union européenne. C’est pourtant la mesure phare du sixième paquet de sanctions que l’Allemande a mis mercredi matin sur la table des Etats membres, qui auront à l’approuver dans les jours à venir. S’exprimant devant les eurodéputés réunis à Strasbourg, la présidente a annoncé une interdiction totale des importations de pétrole brut en six mois et une sortie totale également d’ici à fin 2022 des produits pétroliers russes raffinés. Cette mesure vient s’ajouter à la décision déjà actée par les Européens au mois de mars de sortir dès cet été du charbon russe.
La présidente a aussi confirmé d’autres sanctions contre trois banques russes et notamment l’une des plus grandes banques du pays, la Sberbank, qui abrite 47% des dépôts bancaires russes, que la Commission propose de déconnecter du système Swift. «Des banques d’une importance systémique essentielle pour le système financier russe et la capacité de Poutine à détruire», a commenté la présidente.
Une stratégie controversée
De nouvelles personnalités proches du pouvoir sont aussi visées dont le chef de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche Cyrille, mais aussi des responsables militaires des massacres de Boutcha ou du siège de Marioupol. Après Russia Today et Sputnik, la Commission compte bloquer l’accès «de nos ondes à trois grands radiodiffuseurs d’Etat russes», dont les noms n’ont pas encore été révélés mais qui ne pourront plus non plus distribuer leurs contenus dans l’UE. Et les lobbyistes installés dans l’UE travaillant pour défendre les intérêts russes devront aussi soit s’en aller, soit changer de métier.
Des annonces sur le pétrole qui étaient attendues mais qui ont eu pour effet rapide de faire grimper le cours du Brent. Lundi à Bruxelles, le ministre allemand Robert Habeck avait déjà prévenu des coûts de cette mesure pour les Européens et du risque de hausse sévère de l’inflation. Pour la présidente de la Commission, cette période de phasing out permettra justement «de minimiser l’impact» sur l’économie et les gens alors qu’ils seront directement concernés en allant à la pompe ou en se chauffant.
Pour les pays étroitement liés au pétrole russe, à commencer par la Slovaquie, presque entièrement dépendante, et la Hongrie, dépendante à plus de 65% du pétrole russe, une dérogation sera aussi proposée leur permettant de cesser seulement en 2023 leurs importations. De son côté, la Hongrie a rejeté la proposition d’un embargo européen progressif sur le pétrole russe «dans sa forme actuelle», jugeant qu’une telle mesure «détruirait complètement la sécurité énergétique» du pays.
Le projet bruxellois «ne peut pas être soutenu dans sa forme actuelle. En toute responsabilité, nous ne pouvons pas voter pour», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto.
Possible plan de relance
Si la Commission n’a pas donné de chiffre sur cet impact économique, des think tanks bruxellois comme Bruegel ont déjà jugé que l’UE allait se tirer une balle dans le pied. «Cette option est loin d’être la meilleure. Réduire à zéro les achats de pétrole russe au fil du temps pourrait laisser les revenus russes élevés. Paradoxalement, un tel embargo pourrait même se traduire par une victoire pour la Russie, du moins à court terme, et une perte pour l’UE et l’économie mondiale en général», observe le think tank dans une publication en ligne.
L’UE aurait dû, selon Bruegel, plutôt opter pour un système de plafonnement des prix, comme défendu par des pays comme l’Espagne, ou des tarifs douaniers un peu plus drastiques sur les produits pétroliers russes mais sûrement pas pour cet embargo total.
Comment les Vingt-Sept accueilleront-ils cette mesure? La Commission a beaucoup consulté les capitales avant de mettre cette option sur la table et le signal donné par Berlin, désormais ouvert à cette mesure, peut laisser présager une décision favorable.
Pour réduire les menaces d’inflation et les coûts sociaux, la Commission aurait déjà pour idée de convaincre les partenaires internationaux de s’entendre plus ou moins sur un tarif identique pour le pétrole. Mais depuis quelques jours, la petite musique d’un nouveau plan de relance européen se refait également entendre pour aider les Etats membres à protéger les consommateurs.
Invité à Strasbourg mardi, le premier ministre italien, Mario Draghi, a ainsi évoqué l’idée d’un plan de relance pour gérer les coûts énergétiques de la guerre en Ukraine. Son compatriote et commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni, a lui aussi été assez limpide la semaine dernière en indiquant dans une interview au journal belge Le Soir que le premier plan de 750 milliards d’euros décidé au moment du Covid-19 a fait ses preuves et que cela plaide «pour réutiliser une telle méthode».
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