Horizon Europe: la Confédération va soutenir les chercheurs suisses
Le Conseil fédéral a adopté ce mercredi des mesures pour soutenir financièrement les chercheurs suisses participant à des projets de l’Union européenne. Le monde académique salue ces efforts, mais souligne l’importance de réintégrer au plus vite le programme
Un siège très inconfortable. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier la place qu’occupe la Suisse sur le plan scientifique européen depuis l’abandon de l’accord-cadre et le retrait forcé d’Horizon Europe, un vaste programme de recherche qui définit et finance pour plus de 95,5 milliards d’euros la recherche et l’innovation dans l’Union européenne pour la période de 2021 à 2027.
Rétrogradée au statut d’Etat tiers non associé, la Suisse ne peut plus participer à certains programmes stratégiques et ses chercheurs sont privés de recevoir des bourses du Conseil européen de la recherche (ERC), qui représentaient au sein du programme Horizon 2020 (entre 2014 et 2020), 40% du total des financements européens accordés à la Suisse, soit plus de 1 milliard de francs.
1,2 milliard de francs
Conscient de cette situation peu enviable, le Conseil fédéral a décidé, ce mercredi 4 mai, de financer directement les chercheurs suisses participant à des projets de l’UE. Des mesures transitoires sont en outre mises en place dans le cas d’appels à projets qui ne leur seraient pas accessibles. «Les moyens financiers prévus initialement à titre de contribution obligatoire versée à l’UE pour la participation de la Suisse au paquet Horizon 2021-2027 sont utilisés directement pour le financement des acteurs suisses actifs dans des projets», précisent les autorités fédérales dans un communiqué.
Concernant les bourses de l’ECR, mais aussi du Conseil européen de l’innovation (EIC) et les actions Marie-Sklodowska-Curie, pour lesquelles les acteurs suisses ne peuvent pour l’instant pas postuler, le Conseil fédéral annonce avoir chargé Innosuisse et le Fonds national suisse de développer des offres d’encouragement similaires. Enfin, des mesures transitoires ont également été prévues au sein des domaines stratégiques dont sont exclus les chercheurs suisses, à savoir le calcul de haute performance, la recherche quantique et les activités spatiales, afin de permettre au pays de «conserver sa position de pointe dans ces domaines». Des programmes bilatéraux et multilatéraux seront mis en place, notamment avec l’Agence spatiale européenne (ESA).
Au total, le financement de ces mesures s’élève à plus de 1,2 milliard de francs pour les années 2021 et 2022, en attendant l’objectif visé: une nouvelle association de la Suisse au programme
Horizon Europe, que le Conseil fédéral espère dans «les plus brefs délais».
Attractivité internationale
«Nous saluons les efforts du Conseil fédéral visant à introduire des mesures transitoires pour Horizon Europe afin de limiter la perte d’attractivité de la place scientifique suisse, réagit Corinne Feuz, porte-parole de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Néanmoins leur efficacité ne peut pas, du moins à court terme, atteindre celle d’Horizon Europe. La Suisse n’a donc que deux options: soit elle accepte une perte d’attractivité, soit elle investit des moyens supplémentaires dans la recherche et l’innovation.»
Luciana Vaccaro, rectrice de la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) abonde dans ce sens: «Il faudra du temps pour que les instruments suisses mis en place pour remplacer les bourses proposées par l’ECR et l’EIC atteignent le même niveau de reconnaissance. Par ailleurs, si le Conseil fédéral a réussi à débloquer des fonds pour la recherche, il faudrait également qu’il trouve un moyen d’aider les institutions actives dans la formation qui, malgré l’exclusion d’Erasmus+, peuvent désormais s’associer à de grands consortiums d’universités européennes, à condition toutefois de pouvoir apporter des contributions financières suffisantes.»
Pour Frédéric Herman, recteur de l’Université de Lausanne, le Conseil fédéral doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour une réassociation rapide à Horizon Europe: «L’accès à des coordinations de projets par des chercheurs helvétiques est perdu, certains partenariats avec des hautes écoles européennes sont hypothéqués. Des chercheurs suisses talentueux quittent le pays pour une université européenne, alors que des chercheurs européens renommés renoncent à venir en Suisse. Tout l’enjeu de l’accessibilité aux projets financés par l’UE réside dans l’attractivité internationale qu’elle confère aux institutions du pays.»
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