Une diplomate pour gérer l’économie
Le Conseil fédéral a nommé ce mercredi la Zurichoise Helene Budliger Artieda à la tête du Secrétariat d’Etat à l’économie. La nouvelle cheffe du Seco avait jusqu’ici mené sa carrière dans la diplomatie
Les cinq secrétaires d’Etat continueront d’être exclusivement des femmes. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) ne fera pas exception. Le Conseil fédéral a en effet nommé ce mercredi la Zurichoise Helene Budliger Artieda pour succéder à Marie-Gabrielle IneichenFleisch dès le 1er août. Peu connue dans les milieux économiques et politiques, la diplomate reprend une organisation cible de critiques pour son manque de rapidité dans la reprise des sanctions contre la Russie, ou au démarrage de la pandémie de Covid-19 lorsqu’il s’agissait de prévoir des aides économiques.
«Je m’engage pour que l’économie suisse d’exportation ait accès aux marchés étrangers» HELENE BUDLIGER ARTIEDA, NOUVELLE CHEFFE DU SECO
Expérience sur la scène internationale
Âgée de 57 ans, Helene Budliger Artieda ne vient pas du sérail, elle n’a pas fait carrière au Seco. Actuellement ambassadrice de Suisse en Thaïlande, elle a jusqu’en 2019 occupé la même fonction en Afrique du Sud, et auparavant dirigé la Direction des ressources et du réseau extérieur au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), au sein duquel elle a grandi professionnellement. Titulaire d’un diplôme fédéral à l’école de commerce de Zurich, puis d’une formation comme collaboratrice consulaire spécialisée, elle enchaîne en 2000 par une maîtrise en gestion d’entreprise (MBA) à l’Universidad Externado de Bogota en Colombie.
Peu marqué par le monde économique, son profil a soulevé certaines interrogations, confie un haut fonctionnaire d’un département fédéral. Les pointures des milieux économiques ont-elles renoncé à tenter leur chance? Y a-t-il eu des prétendants employés du Seco? Fidèle au verbatim de circonstance, le ministre de l’Economie Guy Parmelin ne dit pas si les postulations internes ne l’ont pas convaincu, ou s’il n’y en a pas eu.
Ce qu’il met en avant, c’est sa satisfaction de collaborer à l’avenir avec une «cadre expérimentée qui connaît la scène internationale», et dont il attend qu’elle travaille «pour l’intérêt général, au service de la population et du pays». Avec ses mots caractéristiques, le ministre UDC relève que le «Seco n’est pas une petite affaire, avec environ 800 personnes, situé au carrefour de la politique, de l’économie et des ennuis», allusion à l’exposition de la fonction.
Une self made woman
Qualifiée par certains de bulldozer, avec un franc-parler, elle ne devrait pas avoir de peine à se faire sa place et à s’imposer dans ses nouvelles fonctions. Damien Cottier, chef du groupe PLR aux Chambres fédérales, n’en doute pas. Il a été en relation avec elle alors qu’il était collaborateur personnel de Didier
Burkhalter, lorsqu’il a repris la tête du Département des affaires étrangères. «Je me souviens de quelqu’un qui travaille énormément, qui est très organisé et déterminé», souligne-t-il. Et le conseiller national de faire part de son admiration quant à son parcours professionnel. «Elle a une carrière vraiment remarquable. Elle a débuté par un poste consulaire et a su gravir les échelons. C’est une self made woman qui a su tracer son chemin. »
Les voix plus critiques souhaitent bien évidemment demeurer anonymes. Sa nomination en 2008 à la tête des ressources du DFAE en fait la première femme cheffe d’office du département. Une promotion due à son genre, suspectent certains. Un poste où il faut surtout savoir dire non et accepter de générer des frustrations parmi ses collaborateurs qui n’obtiennent pas toujours les affectations souhaitées. Avoir ainsi en quelque sorte fait et défait des carrières lui vaut forcément des inimitiés. Un de nos interlocuteurs la décrit comme une personnalité pas très chaleureuse, pour ne pas dire froide, crainte de ses subordonnés.
Nombreux défis
Trente-neuf dossiers ont atterri sur la table de la commission de sélection, dont 31 hommes. Huit personnes ont été invitées à un premier entretien, six à un second, et au final, trois candidatures ont atteint le bureau de Guy Parmelin. «A la fin, c’est une question de confiance», souligne le Vaudois, expliquant ce qui a fait la différence entre la lauréate et ses concurrents. La nouvelle secrétaire d’Etat le sait: l’économie suisse fait face à «de nombreux défis» – ne serait-ce qu’en raison de la guerre en Ukraine – qu’elle s’apprête à relever avec «motivation» et «humilité». Elle souligne les points communs de son travail actuel à l’ambassade de Thaïlande avec ses futures responsabilités au Seco. «Je m’engage pour que l’économie suisse d’exportation ait accès aux marchés étrangers», dit-elle, citant une série de valeurs helvétiques – pragmatisme, efficacité, assiduité. Elle n’oublie pas l’importance d’un «partenariat social constructif», pour lequel son rôle sera déterminant, voyant dans le dialogue «la base du succès».
De son côté, Economiesuisse «prend acte de la nomination d’Helene Budliger Artieda et se réjouit d’une collaboration étroite et constructive avec la nouvelle directrice du Secrétariat d’Etat à l’économie.» Et de conclure: «Le Seco restera pour nous un interlocuteur central lorsqu’il s’agira de développer avec succès et durablement la place économique suisse.»
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