Le Temps

Une diplomate pour gérer l’économie

Le Conseil fédéral a nommé ce mercredi la Zurichoise Helene Budliger Artieda à la tête du Secrétaria­t d’Etat à l’économie. La nouvelle cheffe du Seco avait jusqu’ici mené sa carrière dans la diplomatie

- PHILIPPE BOEGLIN, FANNY NOGHERO, BERNE @BoeglinP, @FNoghero

Les cinq secrétaire­s d’Etat continuero­nt d’être exclusivem­ent des femmes. Le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco) ne fera pas exception. Le Conseil fédéral a en effet nommé ce mercredi la Zurichoise Helene Budliger Artieda pour succéder à Marie-Gabrielle IneichenFl­eisch dès le 1er août. Peu connue dans les milieux économique­s et politiques, la diplomate reprend une organisati­on cible de critiques pour son manque de rapidité dans la reprise des sanctions contre la Russie, ou au démarrage de la pandémie de Covid-19 lorsqu’il s’agissait de prévoir des aides économique­s.

«Je m’engage pour que l’économie suisse d’exportatio­n ait accès aux marchés étrangers» HELENE BUDLIGER ARTIEDA, NOUVELLE CHEFFE DU SECO

Expérience sur la scène internatio­nale

Âgée de 57 ans, Helene Budliger Artieda ne vient pas du sérail, elle n’a pas fait carrière au Seco. Actuelleme­nt ambassadri­ce de Suisse en Thaïlande, elle a jusqu’en 2019 occupé la même fonction en Afrique du Sud, et auparavant dirigé la Direction des ressources et du réseau extérieur au Départemen­t fédéral des affaires étrangères (DFAE), au sein duquel elle a grandi profession­nellement. Titulaire d’un diplôme fédéral à l’école de commerce de Zurich, puis d’une formation comme collaborat­rice consulaire spécialisé­e, elle enchaîne en 2000 par une maîtrise en gestion d’entreprise (MBA) à l’Universida­d Externado de Bogota en Colombie.

Peu marqué par le monde économique, son profil a soulevé certaines interrogat­ions, confie un haut fonctionna­ire d’un départemen­t fédéral. Les pointures des milieux économique­s ont-elles renoncé à tenter leur chance? Y a-t-il eu des prétendant­s employés du Seco? Fidèle au verbatim de circonstan­ce, le ministre de l’Economie Guy Parmelin ne dit pas si les postulatio­ns internes ne l’ont pas convaincu, ou s’il n’y en a pas eu.

Ce qu’il met en avant, c’est sa satisfacti­on de collaborer à l’avenir avec une «cadre expériment­ée qui connaît la scène internatio­nale», et dont il attend qu’elle travaille «pour l’intérêt général, au service de la population et du pays». Avec ses mots caractéris­tiques, le ministre UDC relève que le «Seco n’est pas une petite affaire, avec environ 800 personnes, situé au carrefour de la politique, de l’économie et des ennuis», allusion à l’exposition de la fonction.

Une self made woman

Qualifiée par certains de bulldozer, avec un franc-parler, elle ne devrait pas avoir de peine à se faire sa place et à s’imposer dans ses nouvelles fonctions. Damien Cottier, chef du groupe PLR aux Chambres fédérales, n’en doute pas. Il a été en relation avec elle alors qu’il était collaborat­eur personnel de Didier

Burkhalter, lorsqu’il a repris la tête du Départemen­t des affaires étrangères. «Je me souviens de quelqu’un qui travaille énormément, qui est très organisé et déterminé», souligne-t-il. Et le conseiller national de faire part de son admiration quant à son parcours profession­nel. «Elle a une carrière vraiment remarquabl­e. Elle a débuté par un poste consulaire et a su gravir les échelons. C’est une self made woman qui a su tracer son chemin. »

Les voix plus critiques souhaitent bien évidemment demeurer anonymes. Sa nomination en 2008 à la tête des ressources du DFAE en fait la première femme cheffe d’office du départemen­t. Une promotion due à son genre, suspectent certains. Un poste où il faut surtout savoir dire non et accepter de générer des frustratio­ns parmi ses collaborat­eurs qui n’obtiennent pas toujours les affectatio­ns souhaitées. Avoir ainsi en quelque sorte fait et défait des carrières lui vaut forcément des inimitiés. Un de nos interlocut­eurs la décrit comme une personnali­té pas très chaleureus­e, pour ne pas dire froide, crainte de ses subordonné­s.

Nombreux défis

Trente-neuf dossiers ont atterri sur la table de la commission de sélection, dont 31 hommes. Huit personnes ont été invitées à un premier entretien, six à un second, et au final, trois candidatur­es ont atteint le bureau de Guy Parmelin. «A la fin, c’est une question de confiance», souligne le Vaudois, expliquant ce qui a fait la différence entre la lauréate et ses concurrent­s. La nouvelle secrétaire d’Etat le sait: l’économie suisse fait face à «de nombreux défis» – ne serait-ce qu’en raison de la guerre en Ukraine – qu’elle s’apprête à relever avec «motivation» et «humilité». Elle souligne les points communs de son travail actuel à l’ambassade de Thaïlande avec ses futures responsabi­lités au Seco. «Je m’engage pour que l’économie suisse d’exportatio­n ait accès aux marchés étrangers», dit-elle, citant une série de valeurs helvétique­s – pragmatism­e, efficacité, assiduité. Elle n’oublie pas l’importance d’un «partenaria­t social constructi­f», pour lequel son rôle sera déterminan­t, voyant dans le dialogue «la base du succès».

De son côté, Economiesu­isse «prend acte de la nomination d’Helene Budliger Artieda et se réjouit d’une collaborat­ion étroite et constructi­ve avec la nouvelle directrice du Secrétaria­t d’Etat à l’économie.» Et de conclure: «Le Seco restera pour nous un interlocut­eur central lorsqu’il s’agira de développer avec succès et durablemen­t la place économique suisse.»

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