La sécurité suisse entre les mains de l’ex-directeur de Champ-Dollon
Martin von Muralt prendra la succession d’André Duvillard comme délégué du Réseau national de sécurité. Son court passage à la direction de la prison genevoise s’était terminé en queue de poisson
Martin von Muralt sera, dès le 1er août, le délégué du Réseau national de sécurité (RNS). La conseillère fédérale Viola Amherd, cheffe du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, a révélé devant la presse le nom du successeur du Neuchâtelois André Duvillard, qui partira à la retraite fin juillet. A ce poste stratégique, le Genevois de 47 ans devra faire le lien entre la Confédération, les cantons et les communes. Le RNS regroupe les instruments de politique sécuritaire de ces trois niveaux constitutionnels.
La dernière expérience professionnelle de Martin von Muralt s’était terminée abruptement. «Un putsch provoque la démission du directeur de Champ-Dollon» écrivions-nous le 6 septembre 2021. Nommé deux ans plus tôt par Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du Département de la sécurité, de la population et de la santé, Martin von Muralt s’était lancé dans une réforme ambitieuse de la prison genevoise.
Les officiers supérieurs à l’attaque
Le projet visait notamment à mettre fin au modèle du gardien tournant et polyvalent pour créer des domaines spécialisés. Il a rapidement suscité des attaques virulentes de la part des officiers supérieurs non seulement contre les améliorations que le directeur voulait apporter, mais aussi contre sa personne, décrite comme distante et cassante. Mauro Poggia s’était alors empressé d’écouter les frondeurs et d’organiser une médiation afin de rétablir le dialogue entre les cadres et le directeur. En vain. Le départ de ce dernier est rapidement devenu la seule issue.
«Martin von Muralt a montré beaucoup de qualités. C’est un homme intègre, à l’écoute et qui a le sens du compromis», précisait alors le professeur Hans Wolff, patron de la médecine pénitentiaire avec lequel le directeur avait formé un duo efficace pour gérer la crise du covid en prison.
Ce furtif passage à la tête de la prison a été «une expérience dont on ressort renforcé et grandi», a commenté Martin von Muralt lors de sa présentation à la presse. Le nouveau haut fonctionnaire a pris le soin de préciser que l’emploi du mot «putsch» pour décrire le processus par lequel il a quitté la prison ne lui appartient pas, mais qu’il «partage partiellement cet avis».
Du terrain au management
Auparavant, Marin von Muralt a été chef d’état-major (2011-2016) puis commandant de la police de la région de Morges (20162019). Il a également travaillé comme inspecteur à la police judiciaire genevoise (20012003) et comme enquêteur à la police fédéral (fedpol) pour laquelle il a occupé un poste de coordinateur (2003-2011). Une longue expérience de terrain qui tranche avec la tâche de coordination et de rédaction de rapports qu’il devra accomplir au RNS. Ne craint-il pas d’être gagné par l’ennui? «Mon parcours m’a fait occuper des fonctions qui m’avaient déjà fait quitter le terrain pour des responsabilités managériales, répond-il. J’ai identifié trois défis avec ma nomination: le passage d’un niveau opérationnel à un niveau stratégique, l’accession à un niveau national et la diversité des activités, qui regroupent aussi bien le militaire que les pompiers et la cybersécurité.»
Sa grande aisance en allemand a été un atout déterminant pour sa nomination, a affirmé Viola Amherd. Une manière pour la conseillère fédérale de souligner que la ductilité est une ressource nécessaire pour diriger ce réseau national, pris entre les couches du millefeuille suisse.
Le RNS a été constitué en 2012. Il est né suite au constat, au début des années 2000, du besoin d’une plus grande coordination entre l’armée et les forces de police, à l’occasion de grands événements: World Economic Forum à Davos, G8, Championnat d’Europe de football. Il est financé par la Confédération et les cantons.
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