L’Occident déroule le tapis rouge à l’Inde
Le G7 a invité le premier ministre indien à son prochain sommet en Allemagne, qui sera en grande partie consacré à la guerre en Ukraine. Outre une aide de 10 milliards d’euros, l’Union européenne promet un accord de libre-échange à New Delhi
Le premier ministre indien Narendra Modi participera à titre d’«invité spécial» au prochain sommet des sept pays les plus riches (G7), qui aura lieu du 26 au 28 juin 2022 au château d’Elmau, dans les Alpes bavaroises. Parallèlement, l’Union européenne (UE) promet de donner une nouvelle impulsion à ses relations économiques avec l’Inde. Elle souhaite conclure un accord de libre-échange dans les meilleurs délais. En tournée européenne cette semaine, le chef du gouvernement indien a été reçu en grande pompe lundi à Berlin par le chancelier allemand Olaf Scholz. Il a rencontré ses homologues suédois, danois, islandais, finlandais et norvégien ces mardi et mercredi. Il a conclu son voyage mercredi soir à Paris.
«L’Inde est un partenaire central de l’Allemagne en Asie, en termes d’économie, de défense et de politique climatique» OLAF SCHOLZ, CHANCELIER ALLEMAND
Autant dire que la force de séduction de la grande péninsule est en hausse en 2022 sur la scène internationale, plus particulièrement auprès des pays occidentaux. «Une première raison est politique, affirme Gopalan Balachandran, professeur d’histoire et de politique internationale à l’Institut des hautes études internationales et de développement (IHEID) à Genève. Son invitation au G7 s’inscrit dans le cadre des efforts visant à rallier New Delhi au camp qui s’élève contre l’invasion russe de l’Ukraine.» Il rappelle que l’Inde a historiquement une proximité et une complicité avec les Etats-Unis et l’UE, notamment par rapport à la «menace chinoise».
En février, le gouvernement indien s’était pourtant abstenu lors d’un vote à l’ONU visant à condamner l’agression, au grand dam des pays occidentaux. Il n’a pas pris position non plus lors d’un vote visant à suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Pour couronner le tout, alors que les Etats-Unis et l’UE ont imposé des sanctions commerciales contre Moscou, des entreprises publiques et privées indiennes ont augmenté les achats de pétrole russe, profitant d’un prix cassé à 35 dollars le baril.
Mais les motivations des puissances occidentales sont aussi commerciales. Face à son invité indien lundi à Berlin, Olaf Scholz a réitéré l’intention de l’UE d’approfondir les relations économiques avec le géant asiatique en signant un accord de libreéchange. En mars, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait effectué une visite éclair dans la capitale indienne et abordé le sujet. Des négociations sont d’ores et déjà fixées à mi-juillet à New Delhi.
Les échanges entre les VingtSept et le géant asiatique augmentent déjà année après année. Ils ont atteint 88,1 milliards d’euros en 2021. Les investissements européenstotalisaient 83 milliards d’euros entre 2001 et 2021. Près de 4500 entreprises du Vieux-Continent sont présentes à Bombay, New Delhi et Chennai et y fournissent 6 millions d’emplois directs et indirects. «L’Inde est un partenaire central de l’Allemagne en Asie, en termes d’économie, de défense et de politique climatique», a affirmé Olaf Scholz, qui a également annoncé une aide de 10 milliards d’euros d’ici à 2030 pour stimuler l’utilisation d’énergies propres.
Pour Gopalan Balachandran, le gouvernement indien entend multiplier les accords bilatéraux de libre-échange en vue de développer ses exportations. «Il a aplani de nombreux obstacles qui jusque-là freinaient les investisseurs étrangers, relève-t-il. De ce fait, l’économie indienne trouve une certaine attractivité.» Le pays vient de signer des accords bilatéraux avec les Emirats arabes unis et l’Australie. Il est en négociation avec le Royaume-Uni et la Suisse.
Une économie en croissance
«La grande taille du marché indien constitue un autre atout majeur pour attirer les investisseurs, ajoute le professeur de l’IHEID. De même qu’une croissance fulgurante qui, selon le Fonds monétaire international, atteindra 8,2% en 2022.»
Outre le projet d’accord de libreéchange, l’UE a promis de développer deux autres axes en matière de coopération avec la grande péninsule, selon Stefania Benaglia, chercheuse au Centre for European Policy Studies (CEPS), un centre de recherche et d’analyse basé à Bruxelles. D’abord, un Technology Council, sur le modèle de celui qui existe entre Bruxelles et Washington, devrait être créé. «L’Inde devient un partenaire stratégique pour le développement des technologies cruciales de demain, affirme la chercheuse. Ensuite, l’UE a lancé une collaboration en matière de connectivité dans les domaines de l’énergie, des transports, de la numérisation et de la recherche fondamentale.»
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