La mode des tokens gagne les PME
Des PME continuent à ouvrir leur capital à de petits investisseurs via des jetons numériques. Reste ensuite à entretenir l’intérêt autour de leurs titres. Deux entreprises expliquent comment elles comptent s’y prendre
Phénomène de mode ou finance du futur, le recours à des jetons numériques – également appelés tokens – constitue les prémisses d’une finance simplifiée et plus accessible pour les petits épargnants. Trois plateformes d’échanges permettent d’acheter et vendre ces actifs en Suisse (SDX, de l’opérateur de la bourse suisse; SygnEx, de la banque numérique Sygnum et TDX, par les Genevois de Taurus), mais on est encore loin du fonctionnement fluide des bourses traditionnelles. Les volumes d’échanges restent faibles, tout comme le nombre de sociétés qui offrent leurs actions sur ces plateformes (une quinzaine selon nos calculs), et ces dernières sont encore réservées aux investisseurs professionnels ou très fortunés. Les PME qui «tokenisent» leurs actions visent plutôt les individus et doivent s’assurer que leurs tokens restent sur le radar des investisseurs potentiels.
Spécialisée dans le commerce numérique, QoQa est la dernière PME romande en date à ouvrir le capital d’une de ses entités, qui exploitera l’an prochain une brasserie artisanale dans les nouveaux locaux du groupe à Bussigny (VD). Le million de francs que QoQa compte lever doit couvrir 30% du coût du projet, tandis que les investisseurs recevront 40% des bénéfices potentiellement dégagés.
L’autre objectif de ce projet technico-financier est «d’embarquer notre communauté, c’est-à-dire les quelque 950 000 personnes inscrites sur notre plateforme et leur faire découvrir ce moyen d’investir dans une PME, pas seulement d’attirer les adeptes des cryptomonnaies, déjà familiers avec ces mécanismes», résument Séverine Vial et Mathieu Pereira, deux des quelque 200 employés de QoQa.
Pour susciter l’intérêt, la société a imaginé des avantages additionnels, comme une bière gratuite pour les détenteurs de tokens lorsqu’ils se rendront dans la brasserie. Une équipe sera créée pour animer le projet, tenir la communauté au courant de ses avancées, organiser des dégustations ou diverses animations, précisent encore les deux collaborateurs de QoQa. Il est aussi prévu de faire voter la communauté sur l’évolution du projet.
MagicTomato, spécialisée dans la livraison de produits alimentaires artisanaux et locaux, est, elle aussi, engagée dans une levée de fonds via des tokens, là aussi avec l’objectif d’attirer 1 million de francs en cédant 5 à 10% de son capital selon le succès de l’opération. Cette somme sera utilisée pour étendre son activité dans de nouvelles régions. Avec une mise minimale de 150 francs, le fondateur Paul Charmillot espère «intégrer des clients, des employés, les 300 artisans dont nous livrons les produits, et plus généralement ceux qui veulent investir dans une alimentation saine en circuit court». Des informations sur la vie de l’entreprise seront partagées au fil du temps avec cette communauté.
Mise en relation informelle
Malgré ses 7 millions de chiffre d’affaires, l’entreprise ne pense pas verser de dividende dans un futur proche, étant toujours en phase d’expansion. Mais l’arrivée du service de MagicTomato dans de nouvelles régions pourrait aussi susciter l’intérêt de nouveaux actionnaires, selon Paul Charmillot. A terme, le prix des jetons MagicTomato pourra évoluer selon la capacité de la PME aux 40 collaborateurs à verser un dividende, ou si l’entreprise en rachète une grande quantité, voire si elle ouvre une partie de son capital à un important actionnaire, décrit encore le patron.
Pour participer, les petits investisseurs doivent passer par les banques partenaires de la plateforme Taurus, utilisée par MagicTomato, les individus lambda n’ayant pas d’accès direct. «Ils devraient pouvoir investir directement d’ici un an, conclut Paul Charmillot. En attendant, nous pourrons mettre en relation de manière informelle des personnes qui souhaitent vendre ou acheter des jetons».
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