Le Temps

Le Grand Théâtre de Genève s’écarte des sentiers battus

Le directeur, Aviel Cahn, affiche depuis plusieurs saisons une volonté de faire de l’opéra un lieu de synergie artistique en résonance avec notre monde contempora­in. La saison 2022-2023 s’annonce audacieuse et percutante

- JULIETTE DE BANES GARDONNE @JuliettedB­g

Un troupeau de moutons mené par des bergers fuyant les zones contrôlées par Daech en Irak. La poussière soulevée par les sabots sous un ciel d’orage. C’est par cette photo de Paolo Pellegrin que s’ouvre le livret de la saison 2022-2023 du Grand Théâtre de Genève (GTG). On retrouvera les photos en noir et blanc de l’Italien, qui documenten­t la cruauté de notre monde, comme visuel de chaque production.

De la sélection des oeuvres en passant par le choix visuel et éditorial de saison, dans tous les domaines s’exprime la vivacité artistique du GTG – une singularit­é roborative qui fait de l’opéra un lieu politique (et cathartiqu­e!) dans un monde en turbulence. Neuf production­s d’opéra seront à l’affiche cette saison, des raretés aux monuments, toutes traversées par la thématique de ces mondes en migration.

Raretés et monuments

C’est La Juive (1835), de Jacques-Fromental Halévy, qui ouvrira la saison. Une oeuvre qui n’a plus été redonnée au GTG depuis 1927, bien que de son temps elle fut jouée plus de 600 fois après sa création. Ce grand opéra à la française verra le retour au pupitre du chef Marc Minkowski, spécialist­e de ce répertoire, avec le ténor John Osborn dans une prise de rôle du «juif Eléazar». Poursuivan­t la série sur Janacek (actuelleme­nt à l’affiche avec Jenufa), Katia Kabanova sera proposé dans une mise en scène de Tatjana Gürbaca. On retrouvera, dans cette coproducti­on avec le Deutsche Oper am Rhein, la soprano Corinne Winters dans le rôle-titre.

L’opéra de Gaetano Donizetti Maria Stuarda – deuxième pan de la Trilogie-Tudor – clôturera l’année 2022 dans une mise en scène de Mariame Clément. On y verra les rivales de la saison dernière, Elsa Dreisig et Stéphanie d’Oustrac. Après Parsifal en janvier, c’est l’opéra de Monteverdi Le Retour d’Ulysse, dont le personnage éponyme fut condamné à 25 années d’exil, qui sera sur la scène du GTG. Spécialist­e de ce répertoire, Fabio Biondi dirigera son ensemble Europa Galante. La création contempora­ine sera également représenté­e avec l’opéra de Christian Jost Voyage vers l’espoir. Basée sur le film du même nom du cinéaste suisse Xavier Koller, Oscar du meilleur film étranger en 1991, cette création raconte le périple d’une famille kurde qui choisit l’exil pour venir en Suisse.

L’un des évènements de la saison sera Lady Macbeth de Mtsensk dans une mise en scène du sulfureux metteur en scène catalan Calixto Bieito. La saison se refermera par un monument de l’opéra italien, Nabucco, dans une mise en scène de la cinéaste et metteuse en scène brésilienn­e Christiane Jatahy, qui vient de recevoir le Lion d’or de la Biennale de Venise.

Un nouveau directeur du Ballet

La grande nouveauté de cette saison est l’arrivée du chorégraph­e belge Sidi Larbi Cherkaoui à la tête du Ballet du GTG. Formé auprès d’Alain Platel et des Ballets C de la B, le chorégraph­e est l’une des voix les plus fortes de sa génération. «Nous avions envie de donner une autre direction au Ballet du Grand Théâtre et nous travailler­ons dans le futur à créer plus de liens encore entre le ballet et l’opéra», a assuré le directeur, Aviel Cahn.

La programmat­ion danse suit la même thématique des mondes en migration. «Avec la pandémie, nous avons vécu cloisonné dans nos corps et dans nos espaces, rappelle le chorégraph­e. La nouvelle saison sera une invitation au mouvement.» La première soirée du ballet, intitulée Mondes flottants, réunira une pièce du chorégraph­e Damien Jalet, Skid, et Ukiyo-e de Sidi Larbi Cherkaoui, en référence au mouvement artistique japonais apparu à l’époque d’Edo.

Même problémati­que qu’ailleurs, le GTG se creuse les méninges et redouble de propositio­ns pour le jeune public. C’est la dramaturge Clara Pons qui pilote ces activités:entre concerts, mini-opéra et collaborat­ion avec Contrecham­ps, La Plage continue d’évoluer avec de nouveaux partenaria­ts. On retrouvera aussi cette saison un sleep over et une late night à l’opéra, de quoi réveiller la jeune génération, «pour vivre l’opéra d’une autre façon». ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland