Fermeture anticipée des terrasses: «coup de massue»
Au lendemain de la décision des autorités municipales de fermer les espaces extérieurs des bars et restaurants à minuit du lundi au jeudi, certains tenanciers craignent pour leur survie
«Alors qu’on sort à peine la tête de l’eau après deux ans de pandémie, restreindre les horaires d’ouverture des terrasses nous fait l’effet d’un coup de massue.» Bopha Kan et Daniel Tsacopoulos, patrons du Volt, un bar situé dans la très animée rue de l’Ecole de médecine, ne cachent pas leur inquiétude face à la décision de la ville de Genève de fermer les terrasses à minuit du lundi au jeudi dès le 1er juin. A l’approche de l’été, cette nouvelle restriction, dévoilée en début de semaine par la Tribune de Genève, vient assombrir un quotidien déjà compliqué.
En discussion avec les autorités municipales, les bistrotiers de la rue ont tenté de sauver le «jeudredi», prologue du week-end qui se révèle l’un des soirs les plus chauds de la semaine. En vain. Désireuse de distinguer semaine et week-end, la conseillère administrative Marie Barbey-Chappuis dit avoir tenté de trouver le bon équilibre entre des intérêts divergents. «Je comprends le mécontentement de certains restaurateurs et je l’assume, mais il faut considérer tous les points de vue dans l’équation», souligne la responsable du Département de la sécurité et des sports, précisant que certains riverains demandaient d’aller beaucoup plus loin. Et de rappeler que ceux qui souhaitent prolonger la fête après minuit peuvent toujours le faire à l’intérieur.
«Ce n’est jamais assez»
Derrière le tour de vis de la ville, l’augmentation continue des plaintes pour tapage nocturne ou nuisances sonores. «Très permissive jusqu’ici, Genève ne fait que s’aligner sur d’autres villes de Suisse», précise Marie Barbey-Chappuis, soulignant qu’il en va de la responsabilité des autorités de ramener un minimum de sérénité. Quelques mois après la levée complète des mesures, le timing n’est-il pas mal choisi? «Il n’y a jamais de moment idéal, juge la magistrate. On oublie aussi que le Conseil administratif a autorisé l’extension des terrasses cet hiver pour aider les restaurateurs à surmonter les conséquences de la pandémie.» Au-delà de la première semaine qui fera office de temps d’adaptation, les infractions seront sanctionnées et, en cas de récidive, pourront aller jusqu’à des fermetures temporaires. Daniel Tsacopoulos, lui, ne décolère pas. «On nous dit que le sommeil est devenu un problème sanitaire, mais la fermeture des bars durant des mois a aussi causé des dégâts sur le plan psychologique», souligne-t-il. Entre tracasseries administratives, restrictions multiples, plaintes des voisins ou encore récemment hausse des prix: la vie des bistrotiers s’est selon lui peu à peu transformée en enfer. «On ne cesse de nous mettre des bâtons dans les roues alors qu’on lutte pour notre survie», lâche-t-il avec amertume.
Au niveau du bruit, le bras de fer avec les riverains dure depuis longtemps dans la rue. «Depuis notre ouverture en 2012, on n’a cessé de faire des concessions, allant jusqu’à engager un service d’ordre pour maîtriser le volume sonore de nos clients, mais ce n’est jamais assez, déplore-t-il. Pour certains voisins, le problème ne sera réglé que le jour où on aura mis la clé sous la porte.»
Déplacer le problème ailleurs?
Si la décision touche avant tout les bars, Helena Rigotti, présidente du Groupement professionnel restaurateurs et hôteliers, souligne qu’elle pose aussi problème pour certains restaurants qui servent jusqu’à 23h. «On ne peut pas accueillir les clients puis les mettre dehors au beau milieu du dîner», souligne-t-elle, évoquant notamment les touristes ou les adeptes de théâtre qui ont l’habitude de venir manger tard. A ses yeux, l’interdiction de la ville risque d’être contre-productive. «Nous sommes conscients des problèmes de bruit et de voisinage et demandons régulièrement aux clients de baisser le ton, souligne-t-elle. Mais si les terrasses ferment, les gens ne vont pas rentrer chez eux, ils vont se déplacer ailleurs dans les parcs ou sur la plaine de Plainpalais.»
De son côté, la police indique que la tranquillité publique constitue l’une des préoccupations quotidiennes des agents tant cantonaux que municipaux. «Environ 12% du total des réquisitions sont liées à des problématiques de bruit», indique le porte-parole de la police, Silvain Guillaume-Gentil. En 2021, 9086 interventions «bruit» ont été menées par la police cantonale et 426 par les patrouilles municipales, soit un total de 9512 opérations en 2021 contre 9896 en 2020. Deux années qui marquent une forte augmentation par rapport à la moyenne de 6000 interventions entre 2012 et 2019. Les établissements publics ne sont toutefois que peu concernés par rapport au tapage chez des particuliers ou sur la voie publique.