Le Temps

Un délire total de surveillan­ce aux Etats-Unis

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Nous l’évoquions dans notre éditorial de samedi. La possible criminalis­ation de l’avortement aux Etats-Unis laisse deviner le pire en matière de pistage des individus, et notamment des femmes, avec l’utilisatio­n, contre elles, de multiples traces numériques. Prenons ici le temps de plonger dans ce qui se passe concrèteme­nt sur sol américain. Les données personnell­es s’y récoltent en masse, comme en Europe, mais elles y sont là-bas formatées, vendues et revendues par plusieurs entreprise­s qui en font commerce.

Non seulement les régies publicitai­res achètent ces précieuses informatio­ns, mais aussi les autorités de poursuite pénale. Ce serait impensable en Suisse notamment. Mais aux Etats-Unis, c’est possible.

Autre exemple: la semaine passée, une enquête du média Vice Motherboar­d montrait que, pour à peine 160 dollars, il était possible d’acquérir des informatio­ns sur des personnes visitant des cliniques, notamment celles pratiquant des avortement­s. Ces données montraient d’où venaient ces femmes, combien de temps elles restaient dans ces cliniques et où elles allaient ensuite.

Encore un autre exemple: dès 2015, des mouvements anti-avortement­s étaient déjà allés très loin en affichant, aux personnes se trouvant dans ces cliniques, des messages publicitai­res les incitant à ne pas avorter. Un ciblage sur mesure impression­nant.

Un dernier exemple, pour aller jusqu’à l’écoeuremen­t: par le passé, les recherches en ligne de femmes ayant eu décidé d’avorter ont déjà été utilisées contre elles par la justice. Le but était de documenter l’achat de pilules ayant conduit à l’avortement.

Désormais, que se passe-t-il aux EtatsUnis? Des ONG spécialisé­es dans la protection des libertés individuel­les conseillen­t aux femmes d’utiliser un système VPN pour protéger leur identité en ligne et accéder à des sites de manière anonyme. Comme si ces Américaine­s se trouvaient dans une dictature. Et encore, il n’est pas certain qu’un VPN suffise à les protéger, vu la masse d’informatio­ns récoltées par tous les moyens sur elles via leur smartphone…

Cette société de surveillan­ce qui se construit à toute vitesse est extraordin­airement inquiétant­e.

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