Le Temps

La guerre en Ukraine contrarie les ambitions chinoises

«La Russie est notre voisin commun, nous vivrons avec.» Selon le professeur Feng Zhongping qui s’est adressé vendredi au Symposium de SaintGall, la Chine et l’Union européenne ont tout à gagner à travailler ensemble et à penser à l’après-guerre

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

«La Chine n’est pas la Suisse.» C’est par cette boutade que Feng Zhongping, directeur de l’Institut d’études européenne­s à l’Académie chinoise des sciences sociales, à Pékin, a souligné l’importance des relations entre la Chine et l’Union européenne (UE), dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Au Symposium de Saint-Gall qui se termine vendredi, cette guerre n’a pas manqué de susciter beaucoup de débats sur les relations entre l’Europe et la Chine.

Pour le professeur Feng, l’UE est mal placée pour reprocher à la Chine sa proximité avec la Russie. Selon lui, Pékin et Bruxelles ont plutôt intérêt à collaborer et trouver les moyens d’arrêter la guerre dont les conséquenc­es se font sentir aux quatre coins du monde. «C’est la logique que nous suivons à Pékin, a-t-il relevé. Nous avons besoin de stabilité pour atteindre notre objectif de croissance et de prospérité.» Selon lui, la paix est aussi dans l’intérêt de l’UE qui traverse crise sur crise: celle de la dette, la récession, la pandémie de Covid-19 qui n’a pas totalement disparu et, à présent, une nouvelle crise économique liée à la guerre en Ukraine.

L’Europe, un champ de bataille

«L’UE et la Chine doivent travailler ensemble non seulement aux niveaux économique et commercial, mais aussi géopolitiq­ue, a poursuivi le professeur Feng, qui intervenai­t en vidéoconfé­rence depuis Pékin. Nous devons empêcher le retour de la guerre froide qui a divisé le monde pendant au moins 70 ans.» Et d’ajouter: «C’est dans l’intérêt du continent européen, qui a déjà été le champ de bataille de deux guerres et d’une troisième qui se joue maintenant.»

Cathryn Clüver Ashbrook, une politologu­e germano-américaine et membre du Global Public Policy Institute, un centre d’analyses politiques basé à Berlin, a livré une tout autre analyse. L’experte a accusé la Chine d’apporter un soutien financier à l’effort de guerre de Vladimir Poutine en lui achetant du pétrole. Elle a aussi exprimé ses craintes que Pékin ne suive l’exemple russe et envahisse prochainem­ent l’île de Taïwan.

La Chine n’est pas un ennemi

«La Chine n’achète pas plus de pétrole à la Russie que les pays de l’UE, a rétorqué le professeur Feng. Vous allez par ailleurs continuer à dépendre du gaz russe pendant longtemps.» Le Chinois a aussi fait remarquer que de nombreux autres pays, notamment l’Inde, s’approvisio­nnent toujours en hydrocarbu­res en Russie. Selon lui, les Européens ne devraient pas oublier que la Russie est leur voisine et que quelle que soit l’issue de la guerre, ils doivent continuer à vivre avec elle. «En ce qui nous concerne, elle est aussi notre voisin et n’est pas un pays ennemi», a encore clarifié l’interlocut­eur chinois.

Eurodéputé­e hongroise et vice-présidente du groupe parlementa­ire Renew Europe (Centre), Katalin Cseh a reconnu que l’UE ne dispose pas de tous les outils pour se confronter à la Chine tant sur le plan économique que géopolitiq­ue. Elle a rappelé que Bruxelles n’a réagi que tardivemen­t lorsque Pékin a sanctionné la Lituanie sous prétexte que cette dernière avait offert une reconnaiss­ance diplomatiq­ue à Taïwan. «Nous sommes lents à réagir et par-dessus tout, il nous manque une cohésion interne, a-t-elle regretté. Nous devons collaborer avec la Chine sur un grand nombre de sujets, notamment dans la lutte contre le changement climatique.» En même temps, selon elle, l’UE doit se positionne­r et garder son autonomie stratégiqu­e par rapport au nouvel ordre mondial qui se dessine entre les Etats-Unis et la Chine.

Une experte a exprimé ses craintes que Pékin ne suive l’exemple russe et envahisse prochainem­ent Taïwan

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