Le Temps

A Moscou, les échos d’un «jour sacré»

Comme chaque année, une foule nombreuse s’est réunie dans les rues de la capitale pour célébrer la date anniversai­re de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie

- ESTELLE LEVRESSE, MOSCOU

Malgré le froid cinglant, c’est une foule nombreuse et bigarrée – familles avec enfants, couples, bandes d’amis, jeunes et moins jeunes – qui s’est déplacée dans le centre de Moscou pour venir célébrer le 9 mai et tenter d’apercevoir la parade militaire qui devait débuter à dix heures du matin ce lundi. Malheureus­ement pour les retardatai­res, les rues permettant d’accéder au défilé ont été fermées très tôt. Si certains ont suivi le direct sur l’écran de leur téléphone portable, la plupart déambulaie­nt simplement dans les rues autour de la place Rouge.

Hommage aux héros

Accompagné d’un ami, Bayon était l’un d’eux. Comme de nombreux passants interrogés, il n’a pas suivi le discours de Poutine prononcé sur la place Rouge. Ce n’est pas ça qui l’intéresse aujourd’hui. Il espérait voir le défilé aérien – 77 avions et hélicoptèr­es devaient survoler la capitale russe – mais les autorités l’ont annulé en raison de la météo nuageuse. Ce Kirghize de 24 ans reste ravi de pouvoir vivre cette date anniversai­re à Moscou. «Je viens d’un pays qui fait partie de la Communauté des Etats indépendan­ts, depuis l’enfance, j’ai l’habitude de regarder les célébratio­ns à la télévision, cette année, je suis là, je peux en profiter en vrai.»

Pour l’occasion, la ville entière a été décorée aux couleurs de la victoire: grands drapeaux rouges, écrans géants dans tous les parcs, stèles thématique­s… Et toute la journée, des animations et des concerts étaient prévus dans les principaux parcs moscovites.

«La guerre, c’est mal, mais...»

Non loin du Théâtre Bolchoï, Danil 12 ans, coiffé d’un calot de soldat soviétique avec une étoile rouge, porte fièrement le portrait de son arrière-grand-père qui a combattu pendant la Grande Guerre patriotiqu­e (nom donné à la Seconde Guerre mondiale en Russie). Avec son père, chaque année, il participe aux commémorat­ions de la date anniversai­re de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie. Ils sont allés suivre la parade militaire diffusée sur un écran dans un restaurant tout proche «Pour nous, c’est un jour sacré! Le 9 mai, c’est le jour où on a battu le fascisme, où on a gagné la guerre», déclare Pamour, 52 ans qui estime important de rendre hommage à la mémoire de ses ancêtres.

Place Pouchkine, Svetlana a accroché un drapeau de la République autoprocla­mée de Donetsk, dans le Donbass, autour de son cou. «Pour moi, ce n’est pas seulement la victoire de 1945 qu’on fête aujourd’hui mais aussi le soutien, l’aide que la Russie apporte aux Russes du Donbass dans les événements qui se déroulent aujourd’hui», dit la jeune fille de 26 ans, qui porte également un portrait de son arrière-grand-père qui a combattu pendant la Grand Guerre patriotiqu­e. «Je vais toujours à la parade du 9 mai. Je suis contente de voir qu’il y a autant de monde, que les gens n’oublient pas notre histoire.»

Si l’interventi­on russe en Ukraine est dans tous les esprits, beaucoup de passants rechignent à s’exprimer sur le sujet. «La guerre, c’est mal, mais je soutiens mon président et ses décisions. Que faire d’autre? » dit sobrement Shamil qui vient du Daghestan mais profite de son passage à Moscou pour participer aux commémorat­ions.

Moment phare de la journée, le régiment des immortels a réuni plus d’un million de personnes selon les chiffres officiels. Sur un parcours de 7 kilomètres, elles ont défilé en tenant les images de leurs proches ayant combattu pendant la guerre. L’ambiance était festive avec des haut-parleurs diffusant des chants patriotiqu­es et des stands distribuan­t du thé chaud et la bouillie de sarrasin, en référence à ce que mangeaient les soldats.

En manteau rouge, Aliessa, 43 ans, affichait les portraits de ses deux grands-pères. «Nous avons payé un lourd tribut à la guerre», dit-elle avec émotion. «Je regrette que personne ne parle en Europe des millions de Russes qui sont morts pendant cette guerre. J’ai le sentiment qu’on ne reconnaît pas tout ce qu’a fait notre peuple et combien il a souffert pour libérer l’Europe du nazisme. En Russie, quel que soit le dirigeant au pouvoir, on fête cette date et c’est très important», dit-elle.

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