«Le Conseil fédéral manque d’ambition et de stratégie dans sa politique énergétique»
Les Vert·e·s ont critiqué l’action gouvernementale dans le domaine de l’énergie. La sobriété doit être un pilier d’une transition qui peut être rapidement mise en place, affirme Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale genevoise verte
La question énergétique est au centre de toutes les attentions à Berne. C'était vrai avant la guerre menée par la Russie en Ukraine, crise climatique oblige, ça l'est encore plus depuis le 24 février. La Suisse s'est redécouverte dépendante de sources d'approvisionnement gênantes. Le gaz russe représente 7% de l'énergie consommée en Suisse. Le Conseil fédéral a réagi en lançant notamment un plan d'aide aux entreprises suisses importatrices d'énergie secouées par un marché devenu imprévisible. Pour Les Vert·e·s, le gouvernement réagit «au coup par coup, sans stratégie à long terme». Selon eux, «on peut mettre fin rapidement à cette dépendance» sans perdre de vue l'objectif de la sortie des énergies fossiles. Une série de lois et d'initiatives sont en cours de discussion à Berne. Les Vert·e·s entendent peser afin d'accélérer la transition, «avec des économies d'énergie et une offensive dans le domaine de l'énergie solaire». Questions à Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale genevoise.
«La sortie des énergies fossiles doit être la priorité»
DELPHINE KLOPFENSTEIN BROGGINI, CONSEILLÈRE NATIONALE GENEVOISE VERTE
Le Conseil fédéral fait preuve d’une grande activité dans le domaine de l’énergie. Cela ne vous convient-il pas?
Les actions du Conseil fédéral ne sont pas assez ambitieuses et elles manquent de perspective à long terme. Prenons le plan de sauvetage des entreprises électriques: il ne contient aucune contrainte d'investissement dans les énergies renouvelables. L'aide fédérale devrait être liée à un engagement sans faille dans le soutien à ce secteur. La sortie des énergies fossiles doit être la priorité. Il ne faut plus louvoyer.
Les Vert·e·s misent beaucoup sur le photovoltaïque. Or, ce domaine connaît une grave pénurie, non seulement de matériel mais aussi de main-d’oeuvre. N’est-ce pas risqué?
C'est une question centrale. Il faut accélérer la transition énergétique et investir sans attendre dans la reconversion professionnelle pour préparer les métiers d'avenir. C'est-à-dire ne pas avoir peur d'aller chercher des personnes dans des domaines qu'il faudra en partie abandonner, comme l'aéronautique, pour les aider à se reconvertir dans des secteurs où l'on a des besoins très concrets. Il manque non seulement de bras pour poser des panneaux photovoltaïques, mais aussi d'ingénieurs.
Votre plan repose sur la diminution de la consommation d’énergie en Suisse. Comment les foyers peuvent-ils faire des économies lorsqu’ils ne connaissent pas leur consommation?
L'énergie est bon marché, elle n'a ni odeur ni couleur. En conséquence, son gaspillage est très répandu. Il faut désormais la thématiser, comme le font les Services industriels genevois avec le programme Eco 21: des employés se rendent dans les familles afin de dresser avec elles un programme de consommation d'énergie sur mesure. C'est une sortie de la logique économique de la productivité qui veut que les distributeurs en vendent toujours plus. Au contraire, il s'agit de conseiller ses clients pour leur en vendre moins! C'est ensuite le rôle de l'Etat de compenser ce coût en aidant l'entreprise.
Quels compromis êtes-vous prêts à faire au parlement pour faire avancer ces dossiers?
Nous pratiquons, d'une part, la politique des petits pas. Dans le contre-projet à l'initiative des glaciers, en commission du Conseil national, nous sommes arrivés à un texte solide, soutenu par une bonne majorité. Nous, les Vert·e·s, ne sommes pas entièrement satisfaits, et nous en demandons davantage. C'est comme cela que nous y arriverons, en jouant notre rôle de minoritaires qui poussent pour aller plus loin. Ce n'est pas tout: l'initiative de notre collègue Vert Bastien Girod représente un vrai boost pour les énergies renouvelables. Il avait été soutenu largement lors du vote au parlement en 2021. Enfin, il est important d'être attentif au débat hors du parlement, mené par les ONG. Le public doit s'emparer du débat. Dans ce cadre, le rôle des Vert·e·s est d'accompagner une information expertisée, apportée notamment par les scientifiques. ■