L’Hospice général a congédié une employée souffrant d’un handicap
Le Tribunal fédéral estime que l’établissement de droit public pourrait avoir mis fin à un contrat de travail en violant la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées
Il est souvent dit qu’en matière de discrimination, l’administration doit montrer l’exemple. A Genève, l’Hospice général vient de subir un revers judiciaire montrant que ce n’est pas toujours le cas. Dans un arrêt du 14 avril, le Tribunal fédéral admet le recours d’une employée souffrant d’une sclérose en plaque, estimant que la juridiction cantonale a violé son droit d’être entendu, ce qui l’a privée de la possibilité de démontrer qu’elle a pu être discriminée en raison de son handicap et de sa grossesse, qui a renforcé l’effet de sa maladie.
A 29 ans, Julie - prénom fictif commence son travail à l’Hospice général, chargée des prestations sociales et de l’asile, le 1er juillet 2017 en tant que conseillère en réinsertion professionnelle pour une durée de six mois. La loi prévoit que ces contrats d’auxiliaires ne peuvent être renouvelés au-delà de trois ans, moment où il faut se séparer de la personne ou l’embaucher comme fonctionnaire. Dans son cas, cette limite est fixée au 30 juin 2020.
Au retour du congé-maternité de Julie, en septembre 2019, le médecin-conseil de l’établissement de droit public affirme que «compte tenu de sa maladie, elle présentait des handicaps sérieux qui suscitaient des interrogations sur sa capacité à reprendre son activité professionnelle d’assistante sociale.» Pour ne rien arranger, l’aide de l’assurance invalidité a été jugée indispensable pour aménager sa place de travail. Ce même médecin-conseil aurait dit, lors d’un appel au médecin traitant de Julie, que l’Hospice général n’était pas pressé de la reprendre, arguant que «Madame fait désordre dans les locaux et choque». La médecin y a vu du «racisme anti-handicapés».
L’angle contractuel
Ces éléments que Julie a allégués durant la procédure et souhaité prouver, la cour cantonale n’a pas voulu les entendre, préférant examiner l’affaire sous l’angle contractuel. En substance, rien n’obligeait l’Hospice général à proposer à Julie un emploi fixe, même si elle a accompli son travail à la satisfaction de son employeur et qu’elle a brigué des postes mis au concours au moment où son contrat s’achevait. La Cour de justice devra tenir compte d’une possible violation de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Il est possible que des «préjugés liés au handicap» de Julie aient conduit l’Hospice général à s’écarter de sa pratique consistant à nommer fonctionnaire «les auxiliaires ayant occupé un poste sans interruption depuis trois ans s’ils donnent satisfaction». Dès lors, cette décision est de nature à constituer une discrimination. Ce sera à la justice cantonale de le déterminer.
Pour Inclusion Handicap, qui a défendu Julie par l’intermédiaire de Me Cyril Mizrahi, il est «réjouissant» que le Tribunal fédéral «place au centre de son argumentation la protection que la CDPH garantit aux personnes handicapées dans la vie professionnelle». Il est ainsi constaté pour la première fois «que l’interdiction de la discrimination en raison d’un handicap oblige le canton à prendre des mesures d’aménagement raisonnable sur le lieu de travail». Cet arrêt pousse ainsi les juridictions cantonales à prendre la CDPH au sérieux.
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